12 angry men, dépasser le film par la psychologie : la banalisation de la mort

 

THE CRITERION COLLECTION, Chris Galloway

La psychologie du film: 

 

Ce qui se passe dans ce huis clos offre une dimension plus profonde à analyser. 

 

Nous sommes tous juges

 

12 hommes. Ils ne se connaissant pas. Ils ne connaissent pas l’accusé. Ils n’ont pas assisté à la scène de crime. Ils n’ont pas le même âge, pas la même profession mais partagent tous le même pouvoir: celui de juger le sort ultime d’un homme. 

 

Ce jugement ne changera rien à leur vie, que l’homme soit condamné à mourir ou à vivre, le cours de la vie de ces 12 hommes restera le même, et ils quitteront cette salle comme si de rien n’était. 

 

Mais quel est le but de cette délibération par des hommes totalement neutres, pourquoi confier cette charge à des hommes qui n’ont aucune compétence juridique et qui ne sont pas impliqués dans l’affaire. Pourquoi laisser juger des pairs pour un crime aussi grave, un parricide ?

 

Ce n’est pas le juge mais 12 hommes qui auront le dernier mot sur ce procès et qui choisiront le sort de cet homme. Cela veut-il signifier que le jugement de 12 citoyens pèse plus que celui du juge? 

 

Ce dispositif de jury populaire existe bien en dehors du film. En France l’on nomme ces citoyens tirés au sort pour participer aux procès pénaux des affaires criminelles les jurés d’assises. Ils sont six en première instance et 9 en appel. Cela permet à ce que l’affaire soit davantage examinée dans son intégralité car les jurés dépourvus de toute connaissance juridique posent des questions auxquels les magistrats professionnels n'auraient pas pensé. L’expérience professionnelle des différents jurés offre une perspective différente de celle des juges. Par exemple, un médecin peut offrir des analyses psychiatriques intéressantes ou encore un architecte peut remettre en cause la cohérence de certaines mesures. C’est l’assemblage de l’expérience et du point de vue de chacun qui fait la justice. 

 

Il n’y a pas qu’un être suprême, le juge, qui se base seulement sur ses acquis juridiques pour juger le sort d’un homme. Cette conséquence est trop cruciale, trop fatidique pour qu’elle soit prise par un seul homme. La convergence de plusieurs perspectives, de plusieurs esprits est nécessaire.

 

C’est donc ce que nous montre le film. Chacun à son mot à dire et chacun ajoute quelque chose qui permet de faire avancer et évoluer la décision et qui permet de voir des choses que seul nous n’aurions pas vu. Car au fond nous avons tous cette faculté de juger, de prendre position. Elle dépend de nos valeurs, de nos expériences, de nos connaissances, mais nous pouvons tous se prononcer sur une situation. Par exemple, il est clair que l’antagoniste du film, celui qui sera le dernier a plaidé coupable, a été fortement influencé par sa relation avec son fils, ce qui justifie sa haine pour le jeune garçon qu’il perçoit comme son fils et c’est donc pour cela qu’il l’estime coupable. 

 

Un jugement qui montre la vraie face de l’autre

 

Au début du film, tout le monde semble être d’accord sur la culpabilité du jeune garçon, de façon à ce que cette délibération aurait pu finir très vite et où chacun aurait pu reprendre le cours de ses  activités rapidement, aller manger, voir un match de foot.

 

Tous les jurés nous donnent un peu cette impression, qu’ils sont là par dépit, qu’ils vont vite « torcher » cette délibération en votant tous coupable pour ainsi vite rentrer chez eux. Aucun ne semble prendre réellement en considération les enjeux de cette situation. 

 

Mais un seul d’entre eux ne semble pas se conformer à cette négligence et prendre au contraire  ce jugement au sérieux. Il s’oppose, seul contre tous et juge que le jeune garçon n’est pas coupable. Il choisit la difficulté et non la facilité et la passivité comme les autres. L’argumentation pour prouver que cet homme n’est pas coupable alors que tous les témoignages semblent dire le contraire s’avère être une tâche longue et complexe. C’est là que l’intrigue et le suspens du film débutent, comment vas-t-il réussir à les convaincre un par un? Sera-t-il lui à changer d’avis et à se conformer aux autres? 

 

Les autres jurés s’énervent contre cet homme, non pas parce que leur parole est mise en cause, mais parce que cette délibération va durer beaucoup plus longtemps que prévu. Ils vont devoir rater le match, quelle misère! 

 

Alors certains vont changer de camp et décider de voter non coupable juste pour que cela finisse plus vite. En plus, la chaleur devient insupportable et les conditions de délibération sont accablantes. Ils s’ennuient, jouent au morpion et veulent juste que cela se termine et que les autres décident aussi de plaider non coupable pour que le vote devienne vite unanime. 

 

Le seul qui reste rationnel et qui va au bout de son argumentation c’est encore l’architecte, Henri. Il ne se contente pas des faits établis par l’avocat et le juge. Il décide de recommencer l’enquête sans être biaisé par aucun témoignage et aucun point de vue. Il recherche la vérité et non l’opinion contrairement aux autres qui estiment suffisant de considérer les témoignages de la dame et du vieux monsieur. Peu à peu, l’argumentation de l’architecte devient convaincante, de façon à ce que les autres votent non coupable jusqu’à ce que le vote devienne unanime. 

 

Nous ne saurons jamais si l’architecte a réussi à les convaincre par son argumentation ou parce que les hommes n'avaient qu’une chose en tête: sortir de ce huis clos d’une chaleur épouvantable. 

 

Mais une chose est sûre, la vie a primé sur la mort, même si l’affaire reste incertaine et même si cela était défendu au départ par un seul homme. L’architecte a su rebattre les cartes. 

 

Il nous reste à nous demander ce qu’il aurait pu se passer si l’architecte n'avait pas été là? 

 

La passivité des hommes pèsent-elle plus que le sort d’un homme? 

 

Emma Malvaso et Eliot Senegas

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