Comment apaiser nos tribunes ?

 

Le 29 octobre dernier, en marge de la rencontre opposant l’Olympique Lyonnais et l’Olympique de Marseille dans la cité phocéenne , la violence aux abords et aux seins de nos stades a passé un nouveau cap. L’attaque du car rhodanien par des “supporters” marseillais a provoqué l’annulation du match, après que l'entraîneur lyonnais Fabio Grosso ait été touché au visage par des éclats de verre dus à l’explosion d’une vitre.  

 

Au même moment, dans le stade, certains “supporters” lyonnais ayant fait le déplacement au Vélodrome furent les désolants protagonistes d’actes racistes à l’encontre de leurs homologues marseillais. Ces événements déplorables questionnent sur une violence de plus en plus présente dans nos stade alors, comment peut-on apaiser nos tribunes ?

 

Tout d’abord, il faut absolument comprendre que le qualificatif lyonnais ou marseillais attaché aux supporters, ne représente qu’une partie infime de ces derniers. Les personnes ayant caillassé le bus lyonnais sont une dizaine d'inconscients, et ils ne doivent pas jeter l'opprobre sur les habitants de la cité phocéenne. Pour comprendre la violence présente dans le monde du football mais aussi du sport en général, il faut en revenir aux origines des mouvements de supporters fanatiques. Ici, deux écoles bien différentes s’opposent: les ultras et les hooligans.

 

D’un côté, le mouvement ultra décrit les collectifs de supporters, organisés en groupes ou associations, et reconnus par leur club. Historiquement installés dans les virages du stade possédant les billets moins chers, ils vouent un soutien sans faille à leur équipe aimée. Les ultras animent la rencontre par le biais de tifos et de chants afin d’encourager leurs joueurs. Par définition fanatiques, ils peuvent par moment se montrer désobligeants en prononçant des chants insultants ou homophobes envers leurs adversaires. Cependant, la violence n’est pas réellement ancrée dans leur fonctionnement; et malgré certaines rixes, les ultras restent pacifiques et portés par la volonté première de supporter les leurs.

 

C’est en revanche tout l’opposé pour la mouvance hooligan. Du terme russe “huligan” désignant les asociaux et perturbateurs de l'ordre public, la violence est la raison d’être des hooligans. Contrairement aux ultras, le hooligan se rend au stade dans le but de se battre. D’origine Anglo-saxonne et d’Europe de l’Est, cette idéologie se revendique dans la plupart des cas d'une pensée politique d'extrême droite. Pour exemple, la Mezza Lyon, groupuscule de hooligans lyonnais responsables des actes racistes du 29 octobre (date du match entre les deux olympiques). Ces individus se réclament ouvertement fasciste, allant jusqu’à se rendre à Predappio sur la tombe de Mussolini pour honorer sa mémoire, et arborant sur certains drapeaux français la totenkopf, symbole des SS hitlériens.

 

La France n’est pas le premier pays à connaître d’encombrants supporters, puisqu’au début des années 1990, l'Angleterre, pays historiquement hooligan, a engagé une grande politique d'assainissement des stades. À la suite de plusieurs drames, au Heysel (1985, 39 morts) et à Sheffield (1989, 97 décès), le gouvernement s’est décidé à éradiquer le hooliganisme par l’application de nombreuses nouvelles mesures. 

 

Désormais, et depuis les années 90, les stades anglais sont sans exception placés sous vidéosurveillance pour détenir les preuves de potentiels troubles. Les tribunes sont aussi exclusivement composées de places assises afin d’éviter les mouvements de foule; un grand changement pour les supporters anglais alors habitués à regarder les rencontres debout. Enfin, la mesure la plus efficace fut la nette augmentation du prix des billets. Depuis les années 90, il est possible d'observer une véritable gentrification au sein des stades anglais. Le cliché des supporters ouvriers et travailleurs est démodé, puisqu'ils sont de plus en plus remplacés par des familles et touristes en tribune. Le prix moyen d’un abonnement étant de 656€ dans le championnat anglais, contre 150€ en Ligue 1.

 

Cependant, cette augmentation des prix a aussi pour effet d’écarter de véritables supporters, et n’est, malgré son efficacité, pas la meilleure option pour le plus grand nombre, faisant littéralement payer l’ensemble des fans par la faute d’une minorité. Pour s’attaquer au problème de la violence dans les stades, les autorités françaises doivent avant tout combler un vide juridique trop important. 

 

En effet, le bus lyonnais ayant été caillassé aux abords du stade, sur la voie publique; il est extrêmement délicat dans l’état actuel de la législation de condamner fermement ces actions. Actuellement, ce vide juridique permet à tous les responsables de repousser la faute sur les autres, situation qui ne permet en rien de potentielles améliorations. Le problème se trouve dans le contrôle flou des environs d’un stade, puisque, aujourd’hui, un club est responsable de l’enceinte de son stade et des 200m de sa périphérie. Un incident se produisant alors à 205 mètres du stade ne concerne, pour la justice, pas le domaine du sport, créant une véritable zone de non-droit et laissant la voie libre à toute forme d’expression de violence.

 

Il est alors urgent de colmater ce vide juridique qui entoure nos stades pour légiférer clairement la responsabilité des différents acteurs pour, à terme, éliminer les groupuscules hooligans en France. Avant qu’un drame ne se déroule, clubs, préfectures et associations officielles de supporters doivent avancer ensemble dans une même direction pour l'apaisement de nos tribunes.

 

Paul Bucheton.

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