Coupe du monde de rugby 1995 : la réunification de la nation arc-en-ciel contre l’Apartheid

 

PHOTO : AFP VIA GETTY IMAGES / FRANK FIFE

 

Il y a quelques mois se terminait la coupe du monde de rugby 2023 par un sacre sud-africain sur les terres françaises, un véritable crève-cœur pour les supporters français après avoir perdu en quarts de finale d’un petit point. Ayant pourtant la meilleure génération de joueurs depuis bien longtemps, cela n’aura pas suffi aux bleus pour décrocher le seul titre qu’il leur manque : la coupe du monde. Cette défaite cruelle de la bande à Dupont en quarts de finale a fait ressurgir les douleurs du passé, et plus exactement celles d’il y a 28 ans, le 17 juin 1995, synonyme d’une des défaites les plus dures à avaler pour le XV de France en demie finale de la coupe du monde contre la même Afrique du Sud.

 

Aujourd’hui reconnue comme l’une des meilleures nations du monde en rugby, cela n’a pas toujours été le cas pour l’Afrique du Sud. En effet, les Springboks participent pour la première fois à la coupe du monde en 1995, qui a lieu chez eux. Lors des précédentes éditions les Sud-Africains n’étaient pas conviés à ce tournoi non en raison de leur niveau de jeu mais à cause de l’apartheid mise en place dans leur pays; un système d’oppression et de domination d’un groupe raciale sur un autre. 

 

Au moment du coup d’envoi de cette coupe du monde, l’Afrique du Sud sort d’une crise sociale majeure ou les inégalités raciales font encore rage dans le pays. Nelson Mandela fraîchement élu président depuis moins d’un an voit alors en cette coupe du monde l’occasion d’unifier sa nation divisée en 2 camps. Il veut rendre le rugby, historiquement un sport de colons, le sport populaire du pays, et rien de mieux que de gagner cette coupe du monde à domicile pour pouvoir le réaliser. 

 

L’équipe était composée uniquement de joueurs blancs sauf un, Chester Williams. Il va alors être érigé comme le symbole d’une nation nouvelle où deux populations historiquement rivales peuvent cohabiter et même devenir une nation unie. 

 

Le début de la coupe du monde 1995 commence sur les chapeaux de roues pour la France et l’Afrique du Sud qui terminent premier de leur poule, avant de se défaire assez facilement du quart de finale. Arrive alors cette fameuse demi-finale qui restera un véritable crève-cœur pour les français. En effet, cette défaite sera cruelle notamment vis-à-vis du scénario du match et des décisions arbitrales extrêmement douteuses. 

 

Tout d’abord le match commence avec près de 2 heures de retard suite à des conditions météorologiques dantesques. Le match a lieu sous une pluie diluvienne, le terrain est trempé. Aujourd’hui jouer un match dans de telles conditions parait inimaginable. 

 

Une fois le match commencé, les glissades se multiplient, il y a des erreurs techniques à répétition mais ce n’est pas exactement pour cela que ce match est resté gravé dans nos mémoires. Tout va commencer avec un essai sud-africains marqué à la 26ème minute de jeu accordé par l’arbitre. Cet essai va particulièrement faire polémique puisque le marqueur de l’essai va admettre dans un livre des années plus tard n’avoir jamais aplati le ballon, et donc que l’essai n’aurait pas dû être accordé. 

 

Les décisions douteuses vont se multiplier au niveau de l’arbitrage avec 4 essais refusés au français, dont un dans les dernières secondes de jeu qui aurait permis la victoire française. Dans les années suivantes le monde du rugby sera quasi unanimement d’accord pour dire qu’il y a eu de grossières erreurs d’arbitrage durant ce match.

 

Les Sud-africains se qualifient donc pour la finale contre les mythiques All-Blacks, largement favoris. Mais la veille de la finale, une grande partie de l’équipe néo-zélandaise tombe malade, les joueurs vomissent, ont du mal à tenir debout. Mais le match aura quand même lieu, offrant une victoire 15-12 à l’Afrique du Sud. 

 

Une telle intoxication alimentaire pour une si grande partie de l’effectif la veille du match le plus important de la saison parait tellement improbable que la question d’empoisonnement a été posée par le sélectionneur néo-zélandais, mais rien n’a confirmé cette théorie. Les soupçons de corruption vont alors commencer à peser sur cette coupe du monde, d’autant plus qu’à la cérémonie de clôture le président sud-africain a offert une montre en diamant d’une valeur de 30 000 euros à l’arbitre de la finale.

 

Ainsi, nous sommes le 24 juin 1995 à Johannesburg et voilà Nelson Mandela rentrant sur le terrain pour remettre le titre de champion du monde à ces joueurs et voir alors son rêve se réaliser. Ce jour-là va être la naissance du mythe de la nation arc-en-ciel. Ainsi cette coupe du monde 1995 a eu une importance capitale dans l’acceptation de la fin de l’apartheid, montrant au monde entier qu’une nation unie derrière une seule équipe peut importe sa couleur de peau permet d’accomplir de grandes choses. 

 

L’Afrique du Sud devait gagner sa coupe du monde, et a gagné sa coupe du monde.

 

Gabin Nove-Josserand

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