Déconstruire nos préjugés sur la viande 

 

 

Les modes de consommations et de production ont beaucoup changé au cours des dernières décennies, l’agriculture et l’industrie intensives devenant la norme en constituant le modèle de production dominant. Ces modes de production posent plusieurs problèmes d’écologie, de qualité, de surconsommation, de santé et d’éthique ; c’est notamment le cas de l’agriculture et de l’industrie intensive animale. Il est donc nécessaire de déconstruire les idées reçues et le discours de ceux que le végétalisme désintéresse.

 

On rencontre aujourd’hui un grand nombre de personnes qui n’apprécient pas les véganes*, les critiquent et affirment avec une confiance assourdissante aimer la viande, mais également que l’on ne peut vivre sans en manger. 

 

Il y a généralement dans le discours de ces personnes une volonté de décrédibiliser ceux qui ne partagent pas leur amour de la viande. Généralement ils font un amalgame entre le végétalisme et le mouvement « woke », dont la perception est caricaturale. Ce lien n’est fondé que sur le fait que les deux mouvements soient précurseurs d’un mode de vie alternatif.

 

Bien sûr, tous les véganes ne prennent pas nécessairement part à ce mouvement. Néanmoins, il est plus simple d’associer le véganisme au mouvement woke, puisque ce dernier est plus simple à décrédibiliser. Alors, une fois que l’association entre les deux est faite, le discours décrédibilisant vient toucher les véganes et leur cause. Les idées apportées dans le discours de ceux qui s’opposent à l’idée d’un monde consommant moins de produits d’origine animale (POA) sont nombreuses, voyons quelles sont les plus fréquentes et ce que nous pouvons répondre.

 

« La viande c’est bon »: Au delà de sa subjectivité, cet argument voudrait qu’un plaisir qui ne dure qu’un temps vaudrait votre santé et celle de votre environnement.

L’ONU a classé la consommation de viande rouge dans la catégorie 2A des cancérogènes. Cette catégorie signifie qu’un lien entre consommation de viande rouge et cancer peut être établi mais que les éléments apportés ne sont pas suffisants pour exclure d’autres causes. 

 

En revanche, n’en déplaise aux surconsommateurs de produits carnés, la viande transformée (fumée, séchée, fermentée, maturée etc.) est classée catégorie 1. La catégorie 1 regroupe les cancérogènes dont on peut affirmer le lien avec le développement de tumeurs et cellules cancéreuses. Nous retrouvons également dans cette catégorie 1 le tabac et l’amiante. Le choix entre limiter les risques de cancer et un plaisir gustatif se présente ainsi aux surconsommateurs de viande. Ainsi, la surconsommation de viande transformée représente un risque accru de développer des cellules cancéreuses. 

 

«L’homme a toujours consommé de la viande »: L’idée que manger de la viande est une tradition, est en réalité tronquée. L’aristocratie consommait il y a des siècles la viande qu’elle chassait, c’est-à-dire sans détruire les écosystèmes par l’agriculture intensive qui n’existait pas encore, et parce qu’elle pouvait se le permettre, puisque la chasse était réservée aux plus fortunés. Ainsi, il y a plusieurs siècles, la viande était un luxe, bien qu’elle soit de nos jours un indispensable hebdomadaire si ce n’est quotidien. Les paysans et classes ouvrières d’autrefois, qui représentaient la grande majeure partie de la population, se nourrissaient essentiellement de végétaux, de pain, et de produits de la ferme (œufs, laits…) .

 

« Consommer des produits d’origine animale est nécessaire pour être en bonne santé »: L’existence même des véganes vous démontre l’inverse. Il est certain que se renseigner peut prendre du temps et demande de la motivation, que c’est plus facile de conserver son régime que d’en changer. Le cliché des véganes en carences ou malnutris est une légende. Effectivement, vous pouvez être vegan et être un athlète ! Nimai Delgado, pour n’en citer qu’un parmi tant d’autres est un bodybuilder qui n’a jamais consommé de viande durant ses années de musculation et qui a su développer ses muscles comme tout autre bodybuilder. Ces athlètes n’ont pas de cuisiniers particuliers, ils sont simplement renseignés sur les régimes alternatifs et les aliments apportant les nutriments, fibres et vitamines dont ils ont besoin. Apprendre prend du temps, et ce temps n’est pas un gâchis; car au delà de vous apprendre à manger différemment, vous apprendrez à nourrir votre corps en répondant à ses besoins. 

 

Le principal défi qui se présente est le déficit en vitamine B12. Indispensable au fonctionnement du cerveau humain, cette vitamine est essentiellement apportée par la viande. Les réserves du foie permettent de tenir plusieurs mois/années, mais les réserves ne sont pas infinies. Face à cela, manger des produits laitiers, de la levure de bière ou beaucoup d’algues suffit rarement à compenser ce déficit. Il faut donc se supplémenter (idéalement 10 µg par jour) pour garder la santé, ou bien adopter une consommation raisonnable de viande.

 

« S’orienter vers le végétalisme tue aussi des végétaux » D’une part cet argument est souvent moqueur, a pour but de ridiculiser ceux qui ne mangent pas de viande par convictions, en comparant les animaux aux plantes. D’autre part, la consommation de viande et de POA*  nécessitent que le bétail soit nourri. Selon une étude de la FAO de 2017, il faut 7 kilos de protéines végétales pour  retrouver 1 kilo de protéines animales bovines, 6 kilos pour les cochons et les poulets, 3 kilos pour les œufs. 

 

Greenpeace a estimé que 71 % des terres cultivées en Europe sont destinées à la production de nourriture pour le bétail, et 63 % des terres sur lesquelles il est possible de cultiver fruits, légumes et céréales pour l’homme sont utilisées pour le bétail. Selon un rapport publié le 24 novembre 2023 par Michel Duru et Olivier Thérond, l’espace agricole nécessaire dépend de notre régime, notamment de notre consommation de viande. L’enquête Nutrin-et-Santé montre que la surface journalière nécessaire pour se nourrir est de 15,5 m2 pour le cinquième des participants consommant le plus de viande et seulement de 7,2 m2 pour celui en consommant le moins. 

 

« Adopter un régime végétal coûte plus cher »: Pour un même apport nutritionnel, vous paierez le même prix si ce n’est moins cher, tout dépends de ce que vous achetez et où. Par exemple, vous trouverez chez Carrefour une boîte de 500 grammes de lentilles vertes bio contenant 24 grammes de protéines pour 100 grammes au prix de 2,85 soit 5,70 le kilo. Chez cette même enseigne, le steak de bœuf le moins cher au kilo est à 12,09 euros, 100 grammes de bœuf contiennent en moyenne 26 grammes de protéines, soit seulement 2 grammes de protéines de plus que les lentilles pour presque le double du prix. D’autant que les lentilles apporteront 11 grammes de fibres alimentaires et seulement 1,7 grammes de matière grasse. Bien sûr, les lentilles ne sont pas l’unique aliment que l’on peut consommer dans un régime alternatif, c’est un exemple parmi tant d’autres qui montre que nous pouvons remplacer nos protéines, du moins une partie, par autre chose que de la viande.

 

« La viande est une économie qu’on ne doit pas détruire pour les emplois». La traçabilité n’étant pas toujours présente sur les emballages ou étiquettes, le consommateur ne va pas prêter attention à cela, et c’est bien le but des industriels.  En 2022, 50 % de la viande de poulet, 53 % de la viande ovine, 29 % de la viande porcine sont importées en France et c’est au total un tiers de la viande consommée qui est importée selon un rapport de 2022 émis par FranceAgriMer. Réduire sa consommation de viande ne détruirait pas tout un secteur entier de l’agroalimentaire, si ce dernier transitionne progressivement vers un autre secteur, de façon à adapter la production à nos besoins réels. 



L’idée générale n’est pas de chercher à pousser la société vers une consommation complètement végane mais vers une consommation plus responsable qui permettrait d’améliorer la manière de produire, ce qui est tout à fait possible. Effectivement, arrêter ou diminuer sa consommation de viande et POA est alors possible, mais cela reviendrait à reconnaître sa responsabilité face aux problèmes engendrés évoqués plus haut. C’est pourquoi beaucoup préfèrent rester dans le déni et refuser une réalité peut être trop lourde ; ce rejet va être bercé par de nombreuses constructions sociales. Ce phénomène de rejet est je pense la pire conséquence d’un système de cloisonnement idéologique lié à la viande. Ce cloisonnement est la construction d’une pensée collective autour de la consommation de viande et produits animaliers, la vie animale et l’éthique. Nous retrouverons dans ce système les idées présentes dans le discours allant à l’encontre du végétalisme auxquelles j’ai précédemment répondus, ainsi que des idées davantage liées à la société. C’est par exemple le cas du lien entre la conservation des valeurs traditionnelles de la France et la viande qui sont souvent oubliés dans le débat.




*Pour simplifier, nous considérerons que les véganes regroupent toutes personnes qui s’orientent vers le végétalisme, ou qui a un régime spécial lié à une réduction de consommation de viande et de POA

 

**Produits d’origine animale

 

Clem

Évaluation: 4.125 étoiles
8 votes

Créez votre propre site internet avec Webador