Élection présidentielle en Russie : Quelle place pour l'opposition ?

 

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Du 15 au 17 mars 2024, se tiendront en Russie ainsi que dans les régions ukrainiennes occupées, les élections présidentielles. Bien que le résultat soit couru d’avance, il s’agit d’un des derniers moyens de contestation pour la population russe. 

 

Un candidat déjà élu. 

 

Le 8 décembre 2023, en marge d’une cérémonie de remise de médaille, un gradé interpelle Vladimir Poutine, le priant de se porter candidat aux élections. C’est ainsi de façon “spontanée” et “inattendue” que l’homme de 71 ans, a annoncé sa candidature pour un 5ème mandat.  

 

En poste depuis 1999, il est contraint, par la limite constitutionnelle de mandat, de transmettre les rênes du Kremlin à Dmitri Medvedev entre 2008 et 2012. Il garde le rôle de Premier ministre, continuant ainsi d’incarner la figure dominante du pays. 

 

Pour résoudre ce problème, il organise en 2020, un référendum constitutionnel, connu sous le nom de "vote de tous les Russes". Les résultats ont permis l'adoption de plusieurs amendements, dont un lui accordant le droit de briguer deux mandats présidentiels supplémentaires de six ans à partir de 2024. Par conséquent, son maintien au pouvoir est envisageable jusqu'en 2036, année de ses 86 ans.

 

L’échec de la contre-offensive ukrainienne ainsi que la place importante qu’il tient sur la scène internationale, malgré les sanctions occidentales, lui garantissent une popularité indéniable.  De plus, il bénéficie d’un électorat légitimiste, qui ne voit aucune autre solution que lui au pouvoir et qui participe fortement aux élections. 

 

Une opposition tiraillée entre contrôle et résistance ? 

 

La majorité des opposants de premier plan, tel que le militant anticorruption Alexeï Navalny, ont été emprisonnés, contraints à l'exil ou éliminés. Néanmoins, le Kremlin a autorisé certains concurrents à se présenter. Cette opposition fantoche donne une apparence démocratique au régime. Il ne peut pas être qualifié de « closed autocracy » (régime autoritaire sans participation politique et aux libertés civiles limitées) mais de « electoral autocracy » ( Régime autoritaire qui conserve des élections, mais celles-ci sont souvent manipulées ou restreintes) ou “Competitive authoritarianism” (selon la typologie de (Levitsky). 

 

Deux figures ont cependant réussi à attirer l’attention, le premier, Boris Nadejine, est un ancien élu à la Douma (Parlement Russe). D’appartenances partisanes diverses et évolutives, il a notamment participé à des élections législatives au nom du parti de la Russie unie, parti de Poutine.  Il s’est cependant distingué par ses positions anti-guerres. Il a notamment qualifié « l’opération spéciale » d’erreur fatale à laquelle il veut mettre fin et a tenu des discours « pro occidentaux ».

 

Il bénéficie d’une surprenante « popularité » et de nombreuses campagnes de soutien ont été organisées.   A l’inverse des autres candidats, il est le seul à tenir un discours aussi critique de la politique du Kremlin. Ce type de position, normalement sanctionné par la loi russe, permet au Kremlin de prétendre donner une place à l’opposition, renforçant cette façade démocratique. 

 

Ainsi, pour certains observateurs, comme Andrey Pertsev, journaliste pour Meduza, et analyste au Carnegie Endowment for International Peace, Boris Nadejdine serait un candidat épouvantail du Kremlin, qui aurait finalement échappé à son contrôle. "L’objectif d’une telle candidature, explique Andrey Pertsev, aurait été d’ajouter un peu de diversité au spectacle, d’augmenter le taux de participation et, lorsqu’il aurait inévitablement obtenu un petit nombre de voix, de souligner l’impopularité des politiciens libéraux en Russie."

 

En effet, s’il obtient de faibles scores aux élections, ce qui est certain, les positions du Kremlin concernant la guerre en Ukraine et l’occident paraîtront légitimées. Si les idées de Poutine sont élues et avec un score aussi important, c’est qu’elles sont populaires et répondent à un besoin souverain.

 

La deuxième figure d’opposition est Ekaterina Duntsova, cette journaliste indépendante se présentait comme la représentante des voix féminines du pays. Elle se disait représenter des idéaux de paix et de libéralisme. Dans un message posté sur ses réseaux sociaux elle estimait que : « la Russie s'éloignait des droits et des libertés, de l'amour et de la paix, d'un bel avenir ». "Nous avons un programme plutôt positif, nous ne sommes pas opposés à quelque chose, nous sommes pour la paix et pour des processus démocratiques", a-t-elle ajouté.

 

Seule candidate ouvertement pro-LGBT, sa prise de position a suscité de nombreux débats et contrairement à Boris Nadejdine, elle a été soumise à un contrôle plus intense. En effet, après sa déclaration de programme, Ekaterina Duntsova est déférée devant le procureur général Igor Krasnov pour expliquer sa prise de position. Elle affirme par la suite n’avoir répondu à aucunes des questions, ne se considérant pas comme étant hors la loi. 

 

Cependant, elle ne pourra, certes, pas se présenter face à Vladimir Poutine. En effet, pour participer officiellement aux élections, les candidats doivent obtenir 300000 signatures qui seront validées par la commission électorale centrale. La Commission, a rejeté sa candidature pour vice de procédure ; la CEC aurait trouvé plus de 100 fautes d'impression dans ses documents sur des noms, des signatures…

 

Il s’agit aussi d’une des armes du Kremlin, faire pression sur la Commission pour invalider les signatures et documents pour supprimer des candidatures trop dérangeantes. La voix de Ekaterina Dountsova ne s’est pour autant pas éteinte, elle a décidé de faire appel de la décision et continue de s’exprimer courageusement sur les réseaux sociaux. 


Ainsi, la participation aux élections permet de donner à l’opposition une visibilité qui est normalement inexistante. Ils ont accès aux médias qui sont habituellement sous un contrôle verrouillé. Bien que l’élection d’un candidat d’opposition soit impossible, la participation reste nécessaire dans un pays où la démocratie et les droits civils sont quotidiennement bafoués.

 

Ily

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