Faut-il un cessez-le-feu à Gaza ?

CliquezMahmoud Essa/Copyright 2023 The AP. All rights reserved.

 

Cette question, en principe rhétorique, agite les médias depuis plus d’un mois désormais. Pour cause, depuis plusieurs semaines, les populations de la bande de Gaza croulent sous les bombes de Tsahal. Les milliers de victimes à déplorer agitent les passions populaires, et choquent tous les internautes confrontés à des pleurs, des cris voire même des morts sous les décombres. 

 

L’objectif israélien clairement affiché de détruire le Hamas, semble perdre en crédibilité à mesure que les cadavres s’amassent dans les quartiers palestiniens. La foudre israélienne qui s’abat sur Gaza paraît avoir du mal à dissocier civils et terroristes.  

 

Ainsi, ce sont plus de 10 000 victimes qui seraient mortes sous les bombardements de Tsahal selon le ministère de la santé de Gaza (détenu par le Hamas), dont un enfant toutes les 10 minutes pour l’ONG Save the children. Un conflit au XXIe siècle se caractérise sans surprise par une guerre de l’information, ce pourquoi les informations publiées par les 2 camps se doivent d’être crédibilisées par des sources extérieures avant d’être prises pour vérité absolue. 

 

James Elder, porte-parole de l'Unicef, expliquait ainsi au micro de CNN que le bilan historique des chiffres du ministère de la santé à Gaza était quasiment identique à celui tenu par l’ONG sur ce conflit : « Nos chiffres ont toujours été à quelques pour cent près, presque identiques. Nous n’avons pas cette préoccupation, si nous nous basons sur l’histoire passée». En outre, lorsque l’on connaît la rigueur avec laquelle l’Unicef s’attèle à dénombrer les victimes d’un conflit, les chiffres du ministère de la santé de Gaza prennent davantage de crédibilité. 

 

En clair, le nombre exorbitant de morts, confronté à la peur permanente des bombardements par l’armée israélienne, plonge les Palestiniens dans un état de terreur constant depuis plus d’un mois déjà. En ce sens, un cessez le feu ne paraît pas être obligatoire, il s’impose comme étant vital. Chaque minute qui passe, ce sont des civils en plus qui agonisent sous les vestiges de leur vie passée, aux seuls motifs qu’ils côtoient géographiquement une organisation terroriste. 

Toutefois, lorsque l’on regarde de plus près, la question est sensiblement plus complexe que ce que l’on pourrait se dire à première vue. 

 

Tsahal ne bombarde pas Gaza par pur plaisir. Bien qu’une haine viscérale pour l’autre unisse les deux camps, l'État israélien sait que le soutien de ses alliés dépend aussi de sa gestion de cette guerre. En cela, Netanyahu justifie un tel bombardement, par une volonté de traquer et de tuer tous les terroristes du Hamas, ainsi que de libérer les otages. 

 

Toutefois, le gouvernement sait pertinemment que les civils seront des obstacles pour atteindre le Hamas. Néanmoins, lorsque l’on regarde l’étendue du nombre de morts civils, la question se pose de savoir si Israël possède simplement un matériel obsolète et des pilotes myopes pour viser autant les civils, ou bien si les civils palestiniens ont été déshumanisés, passant au simple statut de dommage collatéral. On ne peut pas justifier la mort de milliers de civils de cette manière. 

 

Tsahal se rend coupable de crimes de guerre (article 8 du statut de Rome), et ce, malgré leur volonté initiale de bombarder le Hamas et de libérer les otages. Or, comment l’armée israélienne voulait-elle bombarder les terroristes, tout en sachant qu’ils se cachaient dans des tunnels creusés sous des lieux stratégiques. Tsahal avait le choix entre bombarder civils et terroristes, ou aucuns des deux. La décision a été prise en connaissance de cause. 

 

Netanyahu semble s’être rendu compte de son erreur, un peu tard, en lançant le second volet de son opération à travers une invasion terrestre. Alors certes, l’invasion terrestre donnera un avantage au Hamas qui connaît bien la région etc, et les pertes militaires israéliennes seront beaucoup plus importantes que dans un simple bombardement. Toutefois, dans une guerre, les civils ne doivent pas être considérés au même stade que des militaires (des terroristes en l'occurrence), et bombardés comme des cibles militaires. Bien sûr les civils palestiniens seront hostiles à la présence terrestre israélienne, bien sûr une guérilla s’organisera (conjointement ou pas avec le Hamas); mais cela fait partie des grands précepts clausewitzien de la guerre, bombarder des civils non. 

 

Une guerre fait des morts militaires et il faut l’accepter. 

 

Toutefois voilà, une autre problématique s’ouvre à nous dans ce cas là, et c’est précisément pour cela que Tsahal ne veut pas de cessez le feu. Lorsque l’on analyse un conflit de cette importance, il faut s’attacher à comprendre les objectifs politiques et militaires des deux parties, sous peine d’être un simple spectateur qui n’a pour armes que des larmes plutôt que des mots. 

 

Mettre en place un cessez-le-feu à Gaza reviendrait également à s’apparenter à une défaite militaire et politique pour Tsahal. Tuer des milliers de civils sans éradiquer le Hamas ou occuper Gaza exposerait Israël aux yeux du monde entier comme une armée impuissante. La victoire symbolique que cela procurerait au Hamas ne ferait que renforcer leurs convictions et leur entêtement dans l’objectif de détruire Israël. 

 

En plus de ça, cela permettrait au Hamas, complètement désorganisé (il faut bien que ces bombardements les affaiblissent, puisque le contraire placerait directement Netanyahu devant un juge de la CPI) de se structurer à nouveau, de s’alimenter, et de se réapprovisionner en matériel. 

 

Si ce cessez-le-feu permettait aux civils de se reposer un peu, il serait néanmoins complètement à l’opposé de la stratégie militaire de Tsahal. C'est ici que se pose le dilemme. Netanyahu, conscient de l’échec militaire des bombardements, doit-il s’entêter, ou permettre un cessez-le-feu le plus vite possible. 

 

D’un points de vue spectateur, la question cornélienne qui se pose à nous est la suivante: Doit-on se prononcer en faveur d’un cessez-le-feu compte tenu l’échec cuisant de Tsahal avec le nombre de morts civiles, mais permettre au Hamas de se réorganiser; ou alors se prononcer contre, pour permettre à Tsahal d’éradiquer complètement le Hamas et de libérer les otages, quoi qu’il en coûte. 

 

Israël a laissé passer sa chance, et chaque seconde qui passe ajoute une ligne au dossier juridique de Netanyahu qui sera déféré devant la CPI. Nous choisissons la voix de l’humanité, Gaza doit voir l’espoir de survivre, et un cessez le feu doit s’imposer. 

 

Israël est en position dominante, et préparer correctement une défense aérienne et terrestre contre le Hamas sera moins compliqué que de fouiller tous les trous de souris de Gaza pour exterminer les terroristes et libérer les otages. 

 

Une coalition internationale doit se former pour arrêter la folie israélienne, et éradiquer le terrorisme du Hamas (pour permettre la libération d’otages), qui dessert la cause palestinienne. 

 

Au jeu de la guerre, le Hamas semble avoir donné une leçon d’humilité à Tsahal, trop sûr de ses forces. 

 

Un cessez le feu doit s’imposer dans les plus brefs délais à Gaza. 

 

Parce que chaque vie est précieuse, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour les sauvegarder. 

 

Eliot Senegas.

Évaluation: 4.4705882352941 étoiles
17 votes