Haut Potentiel Intellectuel : vraie différence ou étiquette qui rassure les classes supérieures ?

 

 

Wilfried Lignier, sociologue au CNRS, nous dépeint dans La petite noblesse de l’intelligence, une sociologie des enfants surdoués. Dans cet ouvrage largement critiqué, l’auteur développe que diagnostiquer son enfant comme HPI serait une stratégie sociale utilisée par les classes supérieures pour singulariser leur progéniture. Et pourtant ne serait-ce pas un diagnostic qui permet la mise en place de vraies adaptations ? Serait-ce uniquement un moyen de « rassurer » les parents sur le futur de leurs enfants ? Les HPI sont peut-être qu’un produit socio-politique créé par notre société de compétitivité ? 

 

Mais tout d’abord que veut dire Haut Potentiel Intellectuel ? 

 

Un individu HPI aurait des capacités intellectuelles nettement supérieures à la moyenne, les professionnels se basent sur le Quotient Intellectuel pour les identifier. La plupart du temps, les tests utilisés se calquent sur l’échelle de Wechsler, à partir d’un QI de 130, l’individu est qualifié de Haut Potentiel Intellectuel. Cependant, les HPI ne sont pas « plus intelligents » comme on a tendance à nous le faire croire, ils ont juste une forme d’intelligence différente. En France, ils représenteraient entre 2 et 2,5 % de la population. 

 

En quoi sont-ils si différents ? 

 

En réalité, l’individu HPI n’est pas forcément un génie incompris et isolé de la société qui a eu son bac à 14 ans, bien au contraire. La plupart du temps, ils peuvent rencontrer des difficultés dans leur parcours scolaire en raison d’un raisonnement divergent qui ne se conforme pas forcément aux attendus scolaires. Malgré tout, une bonne partie des HPI réussissent très bien durant leur parcours scolaire, et ce n’est pas parce qu’ils ont des capacités intellectuelles différentes qu’ils n’ont pas les prérequis d’une intelligence conventionnelle. Pour continuer, il existe autant de sortes de Haut Potentiel Intellectuel que d’individus dans ce vaste monde. En effet, il n’existe pas vraiment de caractéristiques type d’un HPI, même si certains s’efforcent d’avancer que l’hypersensibilité ou encore la curiosité seraient des « symptômes », rien n’est prouvé. 

 

Malgré tout, la plupart des auteurs écrivant à ce sujet relèvent une réactivité émotionnelle davantage développée ainsi qu’une certaine intelligence émotionnelle. Cela parait logique, quand une personne a des biais cognitifs et intellectuels différents, bien sûr que son rapport avec les émotions est aussi divergent. Sophie Brasseur, docteure en science psychologique, considère que ce n’est pas tant le ressenti de l’émotion qui est accentué, mais plutôt le traitement cognitif de l’émotion. En bref, le traitement de l’émotion vient davantage occuper l’esprit d’un individu HPI qu’un individu avec des capacités intellectuelles dans la moyenne. Cette caractéristique peut souvent créer une relation compliquée entre le HPI et ses émotions qui aura tendance à avoir non seulement du mal à les exprimer, mais surtout à les comprendre. De plus, les psychologues ont tendance à considérer qu’un individu HPI aurait une prédisposition aux troubles anxieux généralisés et à la dépression. Ce constat peut s’expliquer par des « traits caractéristiques » du HPI comme l’ennui par le manque de stimulations intellectuelles ou par l’anxiété de séparation qui se manifesterait davantage chez les enfants HPI. 

Malgré tout, une grande partie n’est pas identifiée et s’en sort sans forcément être au courant de sa différence. 

 

Est-ce donc vraiment utile de les identifier ? 

 

Oui et non. Les identifier permet un accompagnement personnalisé non négligeable mais pourtant, il est très simple que les tests soient contre-productifs. En effet, les parents vont avoir tendance à expliquer tous les dysfonctionnements de leur enfant par son diagnostic, c’est rassurant et d’une certaine manière ça les déculpabilise. Du côté de l’enfant, des effets négatifs sont aussi récurrents. D’une part, l’enfant aura tendance à se sentir différent voire à s’exclure, cela peut générer beaucoup d’angoisses, en effet, on lui a répété que son comportement était problématique et qu’il aurait du mal à s’intégrer, bien sûr qu’il en sera convaincu et qu’il en viendra à s’isoler. D’autre part, l’enfant a tendance à devenir arrogant, si des spécialistes, ses parents, et même ses enseignants le traitent différemment pour sa « supériorité intellectuelle », des effets indésirables sont inévitables. Malgré tout, le diagnostic est sécurisant, c’est pourquoi de plus en plus de parents font tester leurs enfants. 

 

Faisons-nous face à un « business des diagnostics » ? 

 

D’après Emmanuelle Piquet, psychopraticienne et auteures de plusieurs livres sur le milieu scolaire, la marchandisation des diagnostics devient un problème. En 10 ans, nous avons constaté une forte augmentation des parents voulant tester leur enfant, un business qui rapporte. En effet, pour un test complet et sans suivi psychologique, la somme est de 700 €, et pourtant de plus en plus souhaitent payer. Certaines cliniques se sont spécialisées, mais des enquêtes dénoncent leurs pratiques. Quelques fois, les professionnels auraient mis en avant des Haut Potentiel Intellectuel quand il n’y en avait pas forcément, c’est très marketing. Parallèlement à ces psychologues cherchant à augmenter leur chiffre d’affaires, de plus en plus de propositions douteuses sont apparues sur le net. Entre coachs spécialisés, détection par téléphone ou des tests soi-disant certifiés par des professionnels à des prix exorbitants, tout est un bon moyen de faire du business. Pour rien arranger, des alertes sur les pratiques sectaires de quelques groupes qui cherchent par exemple à rassembler ces individus « supérieurs » pour leur permettre de développer davantage leur potentiel ont été déposées.

 

Pourquoi cette augmentation de demande de diagnostic ? 

 

Une réponse apparaît comme évidente : la différence. Dans une société où la diversité est mise en avant, et c’est pour le mieux, il est devenu essentiel d’avoir des capacités cachées, d’être unique. Cependant, cette course à la différence a comme revers la marchandisation d’un désir de singularité. Ainsi, se faire diagnostiquer comme HPI devient une solution pour se différencier, surtout dans les classes sociales supérieures. D’après Wilfried Lignier, les classes sociales hautes, qui ont un héritage plus économique que culturel ont tendance à vouloir sécuriser l’avenir de la famille et donc à chercher le meilleur pour leur enfant. Pouvoir afficher devant l’enseignant les résultats d’un test qui confirme la supériorité de leur enfant est une stratégie éducative puissante. C’est un moyen de dominer l’école et par extension la société, sachant que cette dernière accorde une forte reconnaissance et du mérite à celui qui est diplômé d’une grande école, sûrement le reflet d’un fonctionnement méritocratique. 

 

Malgré tout, ce qui vient déranger l’auteur, c’est le caractère inégalitaire de ce diagnostic. En effet, ce sont les garçons d’un ordre social élevé qui sont le plus identifiés comme HPI, pourtant cela ne veut pas dire que les filles de classes moyennes ont des capacités intellectuelles inférieures. Cela nous dit surtout qu’avec des diagnostics pouvant atteindre de telles sommes, le panel de personnes pouvant singulariser son enfant est réduit. 

 

Pour conclure, les individus à Haut Potentiel Intellectuel ne sont pas une invention du XXIe siècle. Outre le fait qu’ils ne représentent qu’une petite partie de la population, les tests ne sont pas 100 % fiables et peuvent même être biaisés par les spécialistes eux-mêmes. Nous pouvons même venir critiquer le terme Haut Potentiel Intellectuel qui ne désigne pas complétement l’ampleur du sujet, peut-être que d’autres termes comme le Potentiel Intellectuel Conventionnellement Supérieur (PCIS) serait plus juste pour qualifier une certaine partie des HPI. Aujourd’hui, les spécialistes ont tendance à qualifier d’HPI des personnes ayant de vrais troubles comme des Troubles du Spectre Autistique (TSA) ou des Troubles Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) par exemple. Malgré tout, identifier les personnes concernées peut permettre un accompagnement et quelques réponses à des problèmes rencontrés. Cependant, avoir des capacités intellectuelles supérieures à la moyenne n’explique pas tout et c’est un diagnostic à relativiser, nous le rappelons, être HPI ne veut pas dire être plus intelligent. 

 

Pour finir, toute information que l’on retrouve à ce sujet sur Internet affirme tout et son contraire, car c’est un sujet très débattu dans l’ordre des spécialistes en psychologie. Je vous invite donc à dépassionner ces informations et à utiliser votre capacité d’analyse pour vous forger votre propre avis. 




Lucie François

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