L’identité en débat : la question de la transidentité en France

 

Lena Balk / Unsplash

 

Qu’est-ce que la transidentité ? Quand a-t-on commencé à en parler ? Pourquoi cela pose-t'il problème à certaines personnes en France aujourd’hui ?

 

Selon le dictionnaire Larousse, la transidentité est le fait d’avoir une identité de genre qui n’est pas en adéquation avec le sexe assigné à la naissance. Cela peut-être par exemple en tant qu’homme ou que femme.

 

L’identité de genre est donc à différencier du sexe biologique, qui est accordé à la naissance en utilisant les caractéristiques physiques binaires de l’enfant. Dans 97 % des cas, cette attribution convient à l’enfant et il ne ressent pas de mal-être lié au genre qui lui a été attitré. En 2022, en France, selon Mediapart, 180 000 personnes se déclarent transgenres. 

 

Le terme de “transidentité" est apparu dans les années 1920, avec des termes assez familiers à ceux qui sont utilisés aujourd’hui. Pour autant, cela ne veut pas dire que le concept de transidentité n’existait pas auparavant. Il n’était pas connu sous ce nom, mais existe en réalité depuis des millénaires, dans certaines cultures. Selon Lexie, historienne de l’art et autrice de Histoires de genres : guide pour comprendre et défendre les transidentités, les personnes transgenres ont existé  au XVIIIe dans la culture Zulu, en actuelle Afrique du Sud. Visiblement, la question du genre n’est donc pas un débat naissant, mais bien une réalité historique. 

 

La transidentité existe donc depuis un certain temps. Mais alors, pourquoi est-elle tant débattue et critiquée de nos jours ? 

 

Les personnes transgenres sont aujourd’hui victimes de persécutions en tout genre, allant de l’hostilité envers elles à leur assassinat. L’ensemble de persécutions sont regroupées sous le nom de transphobie, qui peut être passible de sanctions pénales.

 

La transidentité est difficile à concevoir pour certaines personnes, car elle remet en cause la binarité du genre, si longtemps vue par les cultures judéo-chrétiennes comme une évidence. En effet, certains groupes de personnes sont réticents à la transidentité et ont peur de vivre au sein d’une société dans laquelle il n’existe peu voire pas de normes liées aux genres. Cela serait synonyme pour eux d’une perte des traditions.

 

C’est aussi et surtout une perte de repères créés par la société conditionnée en partie par cette binarité. Cependant, si chacun vit son culte comme il le souhaite, exprimer son identité de genre telle qu’on la ressent est une liberté, un droit humain qu’il faut respecter. Chacun est libre d’avoir une opinion, mais il est interdit de l’exprimer si celle-ci est discriminatoire, et perçue comme un délit par la loi française.   

 

De plus, les personnes transgenres ont tendance à être sous-représentées, ce qui rend leur invisibilité plus marquée, et facilite l’incompréhension des personnes non concernées. 

 

 Pour autant, si cette pensée réticente est répandue, elle n’est pas générale. En effet, notre société tend à s’ouvrir de plus en plus et à accepter les minorités. Il existe donc aujourd’hui une libéralisation de la parole de la communauté transgenre, qui lui permet de se faire accepter et respecter. La France permet  le changement de l’état civil sur les papiers d’identité pour les personnes transgenres depuis 2009.Tout de même, la France a été condamnée en 1992 pour avoir refusé la modification de l’état civil pour les personnes transgenres.

 

Puis, selon Le Monde avec l’article “La CEDH condamne la France pour les obligations imposées aux transgenres pour changer d'état civil” publié le 6 avril 2017, la France fut condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir forcé les personnes transgenres à subir des opérations de stérilisation pour prouver leur transidentité, afin de changer leur mention de genre sur leur état civil. Il y a des divergences dans l’acceptation et la reconnaissance des personnes transgenres en France. Seulement, si tout le monde n’est pas transphobe, une majorité de personnes transgenres ont déjà subi des actes de transphobie. Sur une interview de Paint, 9 personnes transgenres ont répondu à des questions, et tous ont reçu des remarques indiscrètes et déplacées. 

 

Enfin, les personnes transgenres faisant partie d’une minorité dans la société, certaines problématiques persistent à ce jour, ayant pour conséquence un frein à leur épanouissement. Parmi ces difficultés, la Procréation Médicalement Assistée ou PMA est difficilement accessible, voire impossible pour les personnes transgenres. En effet, si la loi sur la bioéthique autorise depuis 2021 les femmes seules et les couples lesbiens à opter pour cette méthode de procréation, les personnes transgenres, elles, ne sont nullement mentionnées. Du moment qu’un homme transgenre a changé de civilité, il lui est interdit de conserver ses ovocytes, et donc de procréer !

 

Il faut tout de même nuancer ce propos, puisque d’après l’adage mater semper certa est, fondamental dans le droit français, la mère est pratiquement toujours certaine dans l’établissement de la filiation avec son nouveau-né. Ainsi, cela signifie que toute modification d’une loi liée à la parentalité d’un enfant est difficile à mettre en œuvre en France. La loi de 2021 reste une avancée, certes, mais il reste encore du chemin pour que la juridiction et l'administration française, toutes deux fondées sur des principes qui lui sont propres, reconnaissent les personnes transgenres comme il se doit.

 

Voici quelques préjugés qui se sont répandus vis-à-vis de la communauté transgenre. Ces préjugés ne sont pas une réalité, c’est pourquoi il est nécessaire de les déconstruire afin de mieux comprendre la transidentité.

 

  1. Être transgenre est un choix

 

La transidentité, tout comme l’orientation sexuelle, n’est pas une condition laissant le choix, c’est l’expression de sa propre personne telle qu’elle est réellement. Selon le député de République en Marche Raphaël Gérard : « L’identité de genre n’est jamais le fruit d’un choix : c’est une donnée à part entière de l’individu, au même titre que la couleur de peau ou l’orientation sexuelle. On ne décide jamais d’être trans ou de changer de sexe. ». En affirmant ces propos, il expose la nécessité pour une personne transgenre d’affirmer son identité réelle plutôt que de vivre sous des normes genrées qui ne permettent pas aux personnes trans de s’épanouir pleinement. 

 

  1. La transidentité est une mode.

 

Comme il a été dit précédemment, il n’est pas vrai de dire que la transidentité est une passade ou une mode, puisque c’est une expression identitaire qui a vu le jour il y a au moins trois cents ans. Si ce préjugé existe, c’est surtout car aujourd’hui, les personnes transgenres prennent la parole et rendent légitime l’expression de leur identité. En effet, il existe des mannequins, des acteurs ou des actrices transgenres, comme Hunter Schafer par exemple, qui a joué dans la série Euphoria et défilé pour la marque Dior qui mettent en avant la communauté transgenre. Il est complètement erroné de parler d’une simple mode : c’est seulement une libération progressive qui se met en marche.

 

  1. 3. La transidentité est une maladie.

 

La transidentité n’est pas une maladie. Il ne faut pas faire d’amalgame avec la dysphorie de genre, qui, elle, peut causer des troubles pour les personnes transgenres concernées. La dysphorie de genre est associée à un sentiment de détresse face à une inadéquation entre son sexe assigné et son identité de genre, selon passeport santé. C’est un sentiment qui perdure dans le temps. Pour vous mettre en situation, c’est comme si vous portez un vêtement qui est complètement en marge de ce que vous avez l’habitude de mettre (beaucoup trop petit, dans un style que vous n’appréciez pas du tout), sauf que ce vêtement est collé à votre corps. Vous aurez alors l’impression que tout le monde autour de vous ne remarque que ça. Le rejet social et familial a tendance à causer la dysphorie de genre, qui fait ressentir aux personnes transgenres de l’angoisse pouvant aller jusqu’à du dégoût envers eux-mêmes. Une personne transgenre ne souffre donc pas directement du fait d’être transgenre, mais du fait d’être rejetée. C’est pourquoi il est faux d’affirmer que la transidentité est une maladie.  

 

  1. Il n’est pas juste que les opérations permettant une transition soient remboursées alors que c’est de la chirurgie esthétique.

 

Pour tenir un tel propos, il faut avant toute chose avoir conscience des modalités permettant de rendre une opération chirurgicale de transition remboursable. Tout d’abord, selon les Hautes Autorités de Santé, le processus se déroule en trois étapes, d’abord une transition sociale, administrative, puis médicale. La transition sociale consiste à faire son coming-out et à expérimenter sa vie dans le genre qui représente la personne. La deuxième étape est le changement de civilité, soit de nom et de pronom, le fait d’être considéré comme un homme ou une femme aux yeux de la loi. Enfin, vient la question de la transition chirurgicale, celle qui nous intéresse ici.

 

Pour bénéficier d’une allocation longue durée (ALD) donnée par l’assurance maladie, certains critères doivent être respectés : une durée de suivi (souvent six mois) avec un psychiatre, parfois il est nécessaire aussi d’attester le suivi avec un endocrinologue, qui prescrit les traitements hormonaux (testostérone ou oestrogènes). L’obtention d’une ALD montre le caractère nécessaire d’une prise en charge médicale. Les opérations et traitements remboursés par l’ALD ne sont pas de la chirurgie esthétique, mais des chirurgies qui peuvent sauver des vies. Sasha, un homme transgenre, témoigne de son ablation de la poitrine sur une interview d’Allo Docteur: “Quand je me suis réveillé, j’ai pleuré de joie, parce que c’était un sentiment de liberté.”

 

        Ensuite, l’ALD ne prend pas en charge les frais d’honoraires, donc les dépassements que les médecins imposent. Pour qu’elle soit complètement efficace, il faut donc effectuer une transition dans une clinique publique. C'est un  problème, puisque ces cliniques, aujourd’hui regroupées sur le nom de Trans Santé France rendent bien plus difficiles les transitions de genre que dans des cliniques privées selon l’ACTHE, une association qui milite pour les droits des personnes trans.

 

En effet, il faudrait entre 2 et 5 ans de suivi psychiatrique avant d’entamer un quelconque traitement. En parallèle, il est recommandé sur le site de suivre sa transition avec une équipe de soignants adaptés. Hors, cela peut inclure des dépassements d'honoraires importants, même en étant en possession de l’ALD. 

 

En conclusion, une transition de genre, sur le plan chirurgical, est un processus assez lourd et long à réaliser, qui ne rend pas toujours facile le parcours des personnes transgenres. Il est déplacé de comparer une transition chirurgicale à de la chirurgie esthétique, puisque cette dernière n’a pas les mêmes enjeux sur le long terme, il est primordial d’appuyer sur l'essentialité de ces interventions pour les personnes qui les reçoivent. 

 

Camille Ducroux

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