La récupération en politique

 

 

Thomas, Naël, Lola… Tous ont un point commun : ils sont des enfants morts. 

 

Les circonstances sont toutes différentes, leur personnalité aussi, pourtant une autre caractéristique post-mortem les unit : ils ont fait l’objet d’une récupération politique. 

 

Thomas est mort tué par un groupe d’individus lors d’une soirée à laquelle ils n’étaient pas conviés; Naël tué par un policier au volant d’une voiture après un refus d’obtempérer; et Lola retrouvée dans une mallette alors qu’elle s’était volatilisée en rentrant du collège. 

 

L’objet de cet article n’est pas de faire le travail d’un OPJ ou encore de faire le plaidoyer des victimes, mais simplement de mettre en lumière l’instrumentalisation abjecte dont ils ont fait l’objet après leur exposition médiatique. Certes, Thomas et Lola étaient innocents et Naël avait refusé d’obtempérer à un contrôle de police ; pour autant les 3 sont morts et la récupération politique écoeurante a pris le pas sur la triste amertume qu’il faudrait éprouver pour des enfants décédés. 


Alors, peut-on encore accepter la récupération et l’instrumentalisation politique dans le répertoire d’action militante ? 

 

  • La récupération en France 

 

Lorsque trois enfants meurent, tout être normalement constitué éprouve un minimum d’empathie à l’égard de ces derniers. Le deuil se fait dans l’esprit de chacun, et la bataille politique devrait s’interrompre le temps d’honorer la mémoire de ces enfants partis trop tôt. 

 

Pour autant, il n’en est rien

 

Jordan Bardella déclarait “ À chaque fois la même barbarie, les mêmes individus” suite à la mort de Thomas. 

 

Jean Luc Mélenchon, rien. 

 

Jean Luc Mélenchon exprimait son affection envers “ce pauvre Nahel”, suite à sa mort tragique.

 

Jordan Bardella, rien. 

 

Jordan Bardella déclarait “ce n’est pas de la récupération, comme ils le disent, d’affirmer que Lola serait toujours en vie si notre politique migratoire n’était pas si chaotique” suite à la mort de la fillette. 

 

Jean Luc Mélenchon, rien. Lui qui était le premier (par le biais de son parti) à clamer à juste titre qu’une vie palestinienne était égale à une vie israélienne, change ici de position. 

 

Chaque vie n’a pas la même valeur pour ces politiciens. En réalité, l’empathie qu’ils peuvent exprimer par rapport à la mort d’un enfant, sera toujours devancée par une opportunité politique. 

 

Lors de la mort de Lola, Jordan Bardella ne ressent pas une peine infinie, mais une opportunité de dénigrer l’ensemble d’une population, d’un corps. 

 

Lors de la mort de Nahel, Jean Luc Mélenchon n’éprouve pas de la tristesse, il aperçoit simplement la possibilité de renforcer sa position contre la prééminence du rôle de la police dans la sécurité nationale, et de dénigrer une corporation. 

 

Voilà le danger que représente le populisme dans nos sociétés. En avoir connaissance ne résout rien, il n’a de cesse de s’immiscer plus profondément dans tous les discours de la classe politique. Que l’on soit en raccord avec des idéaux d’extrême droite ou d’extrême gauche, l’instrumentalisation d’enfants morts ne doit pas être tolérée.

 

La “ratonnade" organisée à Romans-sur-Isère illustre ce qu’il résulte de ce conflit politique : le pays plonge dans l’affrontement civil. 

 

Les mœurs s’opposent violemment, les idéaux aussi, et la tristesse qu’il nous incombe d’éprouver pour ces enfants, se perd au profit d’une haine viscérale de l’autre. Faire une descente non pacifique dans un quartier de Romans-sur-Isère aux seuls motifs religieux, ne rend pas hommage à la mémoire de Thomas, mais alimente simplement le conflit qui n’a de cesse de s’embraser. 

 

Dénoncer ne changera rien, se révolter oui. 

 

  • Pour une politique plus noble 

 

La politique se gangrène à mesure que l’on accepte cette dénoblisation d’une fonction qui se veut initialement admirable. Est-il trop demandé de refuser l’utilisation de l’instrumentalisation comme arme politique ? Si tous les partis l’utilisent, certains plus que d’autres, alors l’interdire laisserait tout le monde sur un même pied d’égalité; pour autant ne vaut-il mieux pas redorer le blason d’une fonction de plus en plus abandonnée par les français ? 

 

En 2016, ce sont 75% des français qui jugaient les hommes politiques comme « plutôt corrompus » (selon le baromètre Cevipof/Opinionway de la confiance politique). Les français délaissent la politique, las de leurs représentants et de leur propension charognarde à utiliser n’importe quel biais pour prôner leur idéologie. 

 

La politique est-elle encore un art noble ? Il est évident que cette image de la politique a disparu, mais l’a t-elle déjà été ? Le fondement même de la politique, en opposant les uns contre les autres, tend à répondre par la négative. 

 

Pourtant, il est possible de se positionner en faveur d’une telle idée, en faveur d’une politique moins amoraliste et plus éthique. 

 

L’instrumentalisation n’a aucune justification légitime, elle résulte simplement d’une immoralité gangréneuse. Dressons nous contre cette abjection de nos représentants, qui s’éloignent de notre conception de leur fonction. 

 

Parce qu’une vie enfantine en vaut une autre, mieux vaut la pleurer que l’instrumentaliser. 

 

  • Pour l’avenir 

 

Alors que Gambetta déclarait « en politique, les transactions seules peuvent amener des résultats », il est grand temps que l’opportunisme politique au sens contemporain cède sa place à une politique plus noble. 

 

En cela, nous dénonçons la prééminence de l’instrumentalisation politique dans le répertoire politico-médiatique de  nos représentants. Plutôt qu’un opportunisme qui divise pour mieux régner, nous choisissons un humanisme qui unit pour mieux créer. 

 

Eliot Senegas 

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