La surpopulation carcérale en France : une situation stagnante et problématique

 

Illustration de Jean-Paul Van Der Elst.

 

Selon Le Robert, la prison est un établissement clos, aménagé pour recevoir des délinquants condamnés à une peine privative de liberté, ou des prévenus en instance de jugement. Il existe 94 centres de détention en France, 86 maisons d’arrêt et 6 établissements pénitentiaires pour mineurs. La différence entre une maison d’arrêt et un centre de détention consiste en la longueur des peines des condamnés qui s’y trouvent. Une maison d’arrêt est plutôt destinée aux détenus condamnés à des peines inférieures ou égales à deux ans, tandis que les centres de détention accueillent les personnes ayant une peine plus longue à effectuer.

 

Depuis les années 1990, des études affirment que les cellules carcérales françaises sont complètes. En effet, il n’y avait, à cette époque , pas moins de 45 420 détenus, pour 36 600 places seulement. Cela donne un pourcentage de remplissage des cellules à 124%. En 2023, ce même taux a été évalué à 122%, soit 2 points de moins que le précédent. Cela aurait pu être un chiffre encourageant si le nombre de détenus ne s’élevait pas à 74513 personnes aujourd’hui, soit 30 000 de plus que 30 ans auparavant. De plus, ces taux sont une moyenne englobant les détenus dans leur ensemble. Or, certaines catégories atteignent un taux d’occupation de 146%. Les personnes concernées par ce chiffre sont celles en attente de jugement, ou encore les détenus ayant reçu une courte peine (inférieure à 2 ans), donc les personnes détenues en maison d’arrêt. 

 

Cette surpopulation pose problème pour les conditions de vie des détenus, ainsi que pour l’efficacité de la détention de ces derniers. Selon La Dépêche, 2500 personnes incarcérées dorment sur un matelas au sol dans une cellule chaque soir. De plus, le personnel manque pour traiter la réinsertion dans la société des détenus, ce qui peut causer une recrudescence du taux de récidive. Mais alors, d’où vient ce problème de surpopulation carcérale? 

La surpopulation carcérale est-elle plutôt causée par l’augmentation du nombre de délits en France, ou bien est-elle dûe à un durcissement des politiques carcérales ?

 

La réponse est délicate et dépend de la manière dont elle est abordée. 

 

Selon certaines sources, dont le Figaro, le nombre de délits et donc de délinquants a effectivement augmenté, ce qui expliquerait majoritairement ce taux de surpopulation. Si l’on en croit cette logique, cela signifie qu’il y a une augmentation de personnes commettant des délits, qui pourrait elle aussi s’expliquer de différentes manières. Mais cette augmentation pose problème à terme, puisque délinquance est associée à insécurité. C’est le point de vue majoritairement adopté par les politiques de droite en France. 

 

Selon d’autres, plus à gauche, le taux de criminalité en France est en réalité assez stable depuis les années 80. Cela signifierait qu’il n’y aurait non pas plus de délits, mais qu’ils seraient mieux repérés, traités différemment (plus durement), et donc que la surpopulation carcérale serait plutôt dûe à la mauvaise adaptation de la juridiction française face à l’augmentation des condamnations au fil du temps. Il existe aujourd’hui plus de moyens permettant de certifier la culpabilité ou non d’une personne. 

 

De plus, selon le magazine Les Echos, les prévenus, soit les personnes en attente de jugement, sont de plus en plus inculpés. Si l’on tient compte des chiffres de Centre d’observation de la société, l’augmentation de la délinquance, souvent associée à l’augmentation de l’insécurité, serait en réalité une illusion donnée par la médiatisation des faits divers, pouvant faire l’objet de récupération en politique (voir l’article La Récupération en politique).

 

De plus, nous remarquons une hausse de la moyenne de temps passé en milieu carcéral pour un détenu, allant de 5,8 mois en 1982 à 10,9 en 2019. Dans ce cas, nous dirons donc que l’augmentation du nombre de personnes incarcérées à ce jour est plutôt liée au durcissement des politiques carcérales françaises.

De ce fait, il serait cohérent que le nombre de détenus augmente, sans pour autant qu’il n’y ait plus de délits ou de crimes en France entre 1980 et aujourd’hui. 

 

Ces deux positions sont les plus communes. D’un côté, c’est la population qui est tenue responsable, de l’autre le système pénal. 

 

Mais alors, quelles sont les mesures mises en place pour limiter la surpopulation carcérale? Pourquoi sont-elles inefficaces?

 

Avant cela, rappelons tout de même le rôle initial de la prison: garder les détenus, mais aussi faire en sorte de les réinsérer le mieux possible une fois leur peine purgée.

Il y a donc deux problèmes à gérer lorsque l’on se retrouve face à de la surpopulation en milieu carcéral: le manque d’espaces prévus pour garder les détenus, mais aussi le manque de personnel permettant de préparer leur réinsertion en société, afin de rendre la peine effective.  

 

Pour y pallier, différentes mesures sont mises en place. La plus simple semble être la construction de nouveaux locaux. Récemment, en juillet 2023, le parti des Républicains a permis de commencer un projet de construction de 3 000 nouvelles places de prisons d’ici 2027, en plus des 15 000 nouvelles places promises par Macron en 2018. Or, construire des nouvelles places va-t-il vraiment résoudre le problème? Nous voyons bien que non, puisque ces politiques d’adaptation sont mises en place depuis 1987, sans pour autant que la surpopulation carcérale ne disparaisse. Il y a une faille plus profonde qui ne se limite pas seulement au nombre de places. 

 

Cependant, il ne faut pas oublier que même si la délinquance n’augmente pas forcément, il y a tout de même eu une croissance démographique importante qui se poursuit depuis les années 1990 et qui légitime la construction de nouveaux locaux pour répondre aux besoins d’une population plus nombreuse. 

 

D’autres méthodes existent, notamment les peines alternatives à l’emprisonnement, comme la détention à domicile avec le port du bracelet électronique, ou les travaux d'intérêts généraux par exemple. Malheureusement, elles sont aujourd’hui peu utilisées, alors même que c’est la prison qui devrait être le dernier recours. Ces peines avaient justement été introduites pour ne plus banaliser la prison, notamment en ce qui concerne les courtes peines. 

 

A nouveau, les détenus sont aussi trop peu accompagnés. Seulement, sans cet accompagnement, la prison peut ne pas être dissuasive, et, à nouveau, encourager la récidive. Pour favoriser cette réinsertion, des conseillers existent, mais, le budget qui leur est consacré est trop faible, et ils ont un nombre trop important de cas à gérer pour que cela soit réellement efficace. La construction de nouvelles prisons n’est qu’une illusion de protection pour la société, puisque la peine est prononcée quasiment automatiquement, et souvent peu comprise par ceux qui la reçoivent. Il est toutefois urgent de réagir, car ce système d’emprisonnement constant n’est que peu viable, déjà pour les détenus, mais aussi pour le bon fonctionnement du système pénal. 

 

Ce n'est pas uniquement en construisant et en investissant dans de nouveaux lieux de détention que la France réduira son nombre de détenus, mais bien en éduquant et en accompagnant ceux qui ont fauté vers la réinsertion par des peines tout aussi efficaces. Tout de même, la peine d’emprisonnement reste ambivalente puisqu’il y derrière elle toujours une volonté de correction par le biais de la punition, afin d’encourager au mieux la réinsertion des détenus. La société française soutient la possibilité d’une seconde chance pour tous, quelque soit la faute commise. En conséquence, les différentes corrections sont un moyen en vu d’une fin, la fin étant la réinsertion.

 

Camille Ducroux

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