Le pouvoir du boycott

 

Markus Spike, Unsplash

 

Les populations ont toujours utilisé le boycott pour défendre leurs droits. 

 

Plusieurs ont marqué l’histoire. C’est le cas, par exemple, du boycott de Gandhi dans les années 1920 vis-à -vis des produits britanniques lors de la décolonisation de l'Inde. De la même manière en 1959, le refus des fruits provenant d’Afrique du sud à permis de faire pression sur les entrepreneurs sud-africains pour qu’ils sortent du système d’apartheid.

 

Mais le boycott qui a le plus marqué l’imaginaire collectif reste celui organisé par Martin Luther King à l’encontre des bus de New York pour protester contre les lois ségrégatives. Ce boycott a duré 381 jours et s’est soldé par la déclaration de la cour suprême de l'anti constitutionnalité des lois racistes.

 

L’histoire est marquée par des boycotts qui ont porté leurs fruits : dans le pire des cas, les entreprises ont été obligées de se plier aux exigences des consommateurs, dans le meilleur des cas, ces histoires sont romancées et servent de symbole.

 

Créé en 2005 et actif en 2009 en France, le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanction) appelle au Boycott et dresse une liste de marques issus ou soutenant la colonisation Israélienne en Palestine. Après les événements du 07 octobre dernier, l’appel du mouvement a eu un regain d'influence. En effet, ces appels sont à la fois multipliés et décriés.

 

Le boycott est une pratique légale (garantie par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme) ou les individus coupent leurs relations avec un groupe, une entreprise ou un pays en raison d’un désaccord moral. 

 

Comment un boycott, comme celui organisé par BDS, fonctionne-t-il, et quel est son impact ?

 

Il convient de préciser que, s’il existe des boycotts étatiques (blocus), cette forme ne sera pas traitée dans cet article.

 

L’appel de BDS se diffuse majoritairement via les réseaux sociaux, le stickage, les tags ou le bouche à oreille, et n’est pas forcément relayé par les médias traditionnels qui n’en parlent pas ou très brièvement.

 

Depuis le 7 octobre, ce boycott se durcit face à une volonté générale de marquer son désaccord avec la politique de l'État français et des marques soutenant la colonisation israélienne.

 

Parmi les plus grandes marques visées par la campagne de BDS, on retrouve Carrefour qui fournit gratuitement des repas à l’armée israélienne (la logique de subsidiarité rend la chose plus compréhensible) et Puma, qui sponsorise l’équipe israélienne de foot située sur les colonies israéliennes illégales. 

 

McDonald, dont la branche israélienne a fait don de repas à son armée et à sa police, n’est pas directement ciblée par le mouvement mais subit quand même le boycott des consommateurs.

 

L'entièreté des marques boycottées ainsi que la raison de ce boycott est accessible sur le site de BDS.

 

Mais quelles sont concrètement les conséquences de ce boycott ?

 

D’abord, il est simple de constater que toutes les entreprises concernées par les boycotts sont affectées par ce dernier puisqu’elles réagissent en publiant des communiqués sur leurs réseaux sociaux pour s’excuser, se justifier ou se dédouaner. Ainsi, en novembre, Mcdo a publié un communiqué niant son soutien à Israël et se désolidarisant des actions de sa branche locale israélienne.

 

Le boycott permet alors aux marques de constater que leurs actions et valeurs ne sont pas soutenues par les consommateurs. De plus, cela entache leur image, ce qui peut entraîner le retrait de partenariat : O'Neills, le plus grand fabricant de vêtements de sport en Irlande a par exemple retiré les produits Puma de ses magasins dès novembre 2023.

 

Plus concrètement, la marque Puma a annoncé le 12 décembre dernier ne pas renouveler son sponsor de l’équipe de football d’Israël. Bien que la direction de la marque attribue cette décision au partenariat pas assez médiatisé et souligne que ce choix a été effectué avant le 7 octobre, Puma est boycotté depuis 2018 et cette annonce en pleine campagne de boycott arrange la marque. D’ailleurs, le mouvement BDS revendique cette victoire.

 

Selon la chercheuse Marinette Amirault-Thebault “la plupart des firmes rapportent publiquement que leurs ventes et profits n’ont pas été affectés défavorablement même si parfois des cadres admettent en confidence que le boycott à eu des conséquences fâcheuses” : Bien que vis-à-vis du public, Puma agisse comme si le Boycott n’était pas pas une de leur préoccupation, BDS affirme qu’un des avocats de Puma leur a confié que leur campagne rendait à la marque la vie « misérable ». Cela confirme la théorie du philosophe Hilary Putnam qui explique en 1993 qu’un boycott est réussi si l’entreprise se plie aux exigences du boycotteur tout en prétextant d’autres raisons.

 

Le boycott crée un paradoxe : si les marques n’agissent pas, ce dernier peut s’éterniser et elles risquent donc de perdre des consommateurs, cependant, reconnaître les effets du boycott ne peut qu’encourager la campagne. 

 

Ainsi, même quand dans un communiqué le PDG de mcdo admet que sa marque est touchée par un boycott : « je reconnais que plusieurs marchés du moyen orient et certains en dehors de la région subissent un impact commercial significatif en raison de la guerre et de la désinformation qui en découle et qui affecte des marques comme mc donald’s »., il est intéressant de noter que le vocabulaire utilisé tente de minimiser ses effets notamment en omettant d’employer le terme “boycott”.

 

Il est évident qu’il est dangereux pour les marques de montrer aux consommateurs leur influence, car ça légitimise et renforce les mouvements. 

 

Le déficit de chiffre d'affaires et la baisse de valeur des actions des entreprises en bourse sont des pertes difficilement calculables. A cela s’ajoute le risque que le produit remplaçant le produit boycotté s’ancre dans les nouvelles habitudes du consommateur. C’est un effet que les marques craignent, ce qui les conduit souvent à investir dans des campagnes publicitaires coûteuses pour rattraper leur image.  

 

Le boycott à donc un double impact : il entache à la fois l’image des entreprises tout en pénalisant leurs comptes en banque.

 

Le boycott, comme forme politique d’action

 

Le boycott est un moyen de pression non violent ou le consommateur se transforme en consom’acteur en modifiant le rapport de pouvoir avec les entreprises.

C’est une revendication directe des citoyens qui s’exprime sans passer par des intermédiaires.

 

Il crée une plateforme d’expression directe. Les citoyens ne sont en rien contraint par cette action et n’ont pas d'obligations vis-à-vis d’elle : ils sont libres de s'arrêter quand ils le veulent et de mener cette action en fonction de leurs moyens car elle n’engage qu’eux.

 

Le boycott, via les actions militantes qui en découlent, peut aussi permettre d’informer les consommateurs et proposer des discours et arguments normalement in-entendables dans les médias traditionnels. C'est un moyen de visibiliser des problèmes. 

 

Ce mode de consommation est en plus bénéfique pour l’économie locale, les produits boycottés majoritairement issus de la mondialisation sont souvent remplacés par des produits locaux, plus écoresponsables.

 

Le boycott reste cependant une pratique surtout accessible aux personnes détenant un capital économique élevé, qui peuvent se permettre de dépenser plus pour trouver des alternatives aux produits bannis. 

 

Lou Pouthie

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