Mon roi : quand cinéma mêle rapport au corps et psychologie (Partie 2)

 

 

Les deux se découvrent dans leurs côtés les plus sombres et malgré le fait qu’ils s’aiment, ils n’y arrivent pas. 

 

Mais qui est responsable ? Cette question est-elle vraiment pertinente au vu des deux personnalités ? Devons-nous toujours chercher le coupable ? 

 

Quand deux personnes s’aiment, c’est une histoire de tout le monde, et pas d’un seul comme le pense Maiwenn. 

 

Les avis sont divers sur cette relation controversée et il demeure une division entre le point de vue des spectateurs et des têtes de la réalisation de ce film. 

 

Tony ne gère pas non plus son amour, se laisse dès le début tomber sous le charme de Giorgio, s’enlise dans sa dépendance, est passionnelle et ne part pas de cette relation. Mais finalement la responsabilité de Tony dans cette relation est d’avoir laissé à Giorgio prendre son pouvoir et l’ascendant sur elle. Elle est en adoration de cet homme et de surcroît, ne se sent pas à sa hauteur. On le voit très bien lorsqu’elle lui fait part d’un doute sur sa beauté physique et sur la forme de son sexe après avoir eu un rapport sexuel, et de manière générale lorsqu’elle a besoins d’être rassurée sur sa propre valeur.  N’ayant pas confiance en elle, elle le désigne comme son mentor, et il devient son roi. 

 

Mais ce film illustre avant tout la reconstruction d’un femme plus que la déstruction d’un couple. Contrairement à Giorgio, Tony ne va pas trouver un remède à son mal-être dans la drogue mais dans son travail. Elle est avocate et se démène pour réussir. On voit même une scène dans laquelle Tony annonce à Giorgio au restaurant qu’elle doit partir car elle a été contactée pour défendre un client dans une affaire importante. Face à cela, Giorgio souhaite la garder auprès de lui voyant qu’elle arrive à sortir de cette relation et que lui non, tout en la dévalorisant, mais Tony décide tout de même d’aller au rendez-vous. 

 

En outre, la reconstruction de Tony est surtout caractérisée par son rétablissement physique puis psychique à la suite de ce fameux accident durant une session ski avec Giorgio et leur fils. On la voit dévaler la piste sans vraiment prendre conscience de son corps et là, c’est le drame, elle tombe. Son genou est touché et elle part en centre de rééducation. Si Tony se blesse au genou, ce n’est pas pour rien, lui fait comprendre une professionnelle dans le paramédical, son “je-nous” est touché, utilisant cette expression pour illustrer le rapport qu’elle a avec sa relation, qui est la clef principale du film. Cet aspect débouche alors sur un aspect psychologique, ici le corps est lié à l’esprit.

 

Nos douleurs sont-elles liées à des évènements psychiques ?

 

Si nous ressentons des douleurs physiques, c’est que notre corps nous transmet un message, quel qu’il soit.

 

Nous aurons tendance à penser qu’une douleur est une conséquence physique d’une autre chose physique ou biologique qui s’est produite, une chute, l’ingestion d’un aliment périmé ou encore le manque de sommeil. Ce n’est pas toujours le cas, d’autres cartes peuvent entrer en jeu, le psychique, la situation de vie d’une personne, et se combiner entre elles pour former le déclencheur de l’apparition d’un symptôme physique. Si il arrive à votre corps ce qui lui arrive, alors que des millions d’autres choses auraient pu se produire, c’est certainement un signe ou un message qu’il cherche à vous transmettre.

 

Prenons l’exemple des maux de ventre, souvent, la simple indigestion est la cause privilégiée, c’est l’hypothèse la plus simple et la plus vite adoptée puisqu’elle n’oblige pas à fouiller dans nos ressentis, ni dans nos émotions pour trouver la potentielle cause réelle de ces maux, même si bien sûr le simple facteur organique peut être l’unique déclencheur du symptôme des maux de ventre. Effectivement, il est plus logique de chercher une cause organique à un symptôme physique, plutôt qu’une cause psychique.

 

Pourtant, si nous suivons notre exemple des maux de ventre, notre estomac est considéré par beaucoup de scientifiques comme notre deuxième cerveau. Gerda Boyesen est une psychologue qui a découvert que nos intestins ont une fonction d’évacuation du stress émotionnel stocké dans nos fluides, c’est ce qu’elle appellera le psychopéristaltisme. Ainsi, ce que vous considérez être de simples maux de ventres peuvent en réalité être le symptôme de centaines de causes différentes qui ne seront pas toujours liées à un facteur organique comme une indigestion, mais parfois (voir souvent) au stress, à l’anxiété, ou à ce que notre subconscient ressent de négatif et qu’il doit évacuer. Cet exemple me permet d’illustrer le propos : notre corps traduit ce que notre inconscient sait déjà.

 

Votre subconscient envoie des signaux à votre conscient grâce à votre corps. Ce phénomène à un nom, c’est la somatisation. Le principe de somatisation postule que certains symptômes physiques n’ont pas uniquement pour causes des causes organiques mais aussi des causes psychiques et psychologiques. La maladie ou le trouble psychosomatique sont des manifestations physiques visibles ou non, déclenchées par des causes organiques ainsi que des causes psychiques. Ils sont à différencier des troubles somatoformes qui sont, eux, complètement indépendant de causes médicales ou organiques.

 

Maiwenn parvient à mêler et relier le corps et l’esprit et cela rend le film fort psychologiquement et physiquement. Les personnages ne sont pas de simples protagonistes mais des humains qui traversent des événements par le corps pour finalement rendre compte d’une problématique psychique. Les scènes corporelles sont donc très présentes dans ce long métrage. Les acteurs font parler leur corps. Emmanuelle Bercot interprétant Tony aime jouer avec son corps et aime donner de son corps pour rendre les scènes mouvantes. L’aspect physique est au centre du film. 

 

La fin de ce film est aussi à interpréter personnellement. 

 

Selon certains, l’histoire se finit bien parce que Tony parvient  à prendre du recul sur cette histoire en guérissant de son “je-nous”. En effet, si on arrive à refermer les plaies “c’est déjà pas mal” comme dirait Maïwenn. L’aboutissement de sa reconstruction peut donc être positivement interprété par la dernière scène. 

 

Ils sont séparés depuis quelques temps, Tony a terminé sa rééducation du genou et ils se retrouvent lors d’un rendez-vous parents-élèves concernant leur fils. On peut alors avoir l’impression qu’ ils s’aimeront toujours mais ont vraiment pris conscience qu’ils ne pourront pas vivre ensemble. 

 

D’autres pourraient penser qu’elle est toujours sous son emprise puisqu’elle porte volontairement la montre qu’il lui avait antérieurement offerte, comme si c’était un signe. 

 

Le génie de ce film se trouve alors, non seulement dans cet aspect authentique que Maïwenn a voulu donner à son œuvre en transcendant les dialogues par l’improvisation des acteurs, qui étaient alors obligés de fournir des performances en fonction de leurs point de vue personnel, mais aussi dans son interprétation discrétionnaire. En effet, chacun interprète comme il le sent. En le regardant, on se retrouve confronté à des réalités qui font mal, et nous demande une introspection de nos vies personnelles pour en tirer une conclusion cinéphile. 

 

Ce film nous transporte au sein d’une relation violente psychologiquement mais passionnelle et remplie d’amour. Nous sommes face à deux adultes qui doivent encore apprendre d’eux mêmes, guérir de leurs blessures respectives et force est de constater qu’ils auront des leçons à tirer de leur relation. Si Giorgio avait dû faire mieux pour honorer l’amour qu’il portait à Tony, Tony aurait de son côté, dû partir avant d’être prise dans un engrenage qui aurait pu la briser, si ce n’est pas déjà le cas (  ou sinon) : Tony aurait de son coté du partir avant de s’enliser dans cette passion jusqu’à en perdre son identité mais son corps lui a parlé.. 

 

Sarah et Clem

Évaluation: 5 étoiles
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