Mon roi : quand cinéma mêle rapport au corps et psychologie

 

Mon Roi, extrait du film

 

“Mon” adjectif possessif précède « roi », nom propre désignant alors de son étymologie une personne qui exerce un pouvoir souverain, dirige et préside. Ici, il y a un roi qui appartient à quelqu’un. Mais existe-t-il encore des rois ? Nommer quelqu’un de roi ne témoignerait pas d’une idéalisation, d’un fantasme ou bien d’une illusion, car qui est à la hauteur d’être roi ?

 

Tony, c’est de cette manière qu’elle considère Giorgio. Elle ne le dira jamais explicitement tout au long du film mais elle le pense, c’est son roi.

 

Aussi banal que possible, ils se rencontrent pour la première fois dans une boîte de nuit. C’est elle qui le repère et son regard ne se décroche plus de cet homme qui rayonne parmi tous les autres, puis il la voit et ils se regardent, dans une scène accompagnée par le son  véhément « Easy » de Son Lux et Rafiq Bhatia. Ensuite, alors qu’il est assis avec ses amis, avec beaucoup d'effronterie, elle l’éclabousse après avoir trempé sa main dans le seau à glace en lui demandant « tu me reconnais ? » et lui répond d’un air ironique « non ».

 

A partir de là, on comprend qu’ils vivront quelque chose de fort qui marque une vie et un corps.

 

Ce film réalisé par Maïwenn tourne alors autour de leur histoire d’amour qui s’avère se dégrader progressivement, jusqu’à ce que Tony ait un accident loin d’être anodin. C’est alors 10 ans de vie commune fragmentée qui est retranscrite dans ce long métrage qui nous immerge dans leur vie personnelle, quotidienne, familiale et professionnelle. On les voit donc évoluer ensemble et séparément par différents prismes de la vie courante. 

 

Mais leur relation n’est pas courante, elle est passionnelle et incongrue voire dérangeante. En effet, ce sont deux personnes qui s’aiment mais qui n’arrivent pas à vivre ensemble.. Ils se détruisent parce que leur passion les consume. La dépendance et la passion sont présentes, et vont les mener à l’addiction pour finir sur une note tragique, celle de perdre le contrôle de leur relation, d’eux-même et de leur corps.  

 

Mais dans cette relation Giorgio semble être le bourreau et Tony la victime. 

 

En tout cas, c'est la première impression qu’un bon nombre de spectateurs a eu. Il la séduit frontalement, il atteint son esprit, pour marquer son cœur et finir par essayer de la contrôler entièrement. En analysant son comportement, on se rend compte qu’il a toutes les caractéristiques du pervers narcissique. En effet,  il a tendance à la rabaisser sur un ton humoristique pour amuser leur entourage, il semble imbu de lui même et ne supporte pas la critique, il retourne contre elle certaines situations, lui ment, la trompe, la fait culpabiliser lorsqu’elle veut partir, ne se contente pas toujours de sa réussite professionnelle, est absent volontairement pour revenir regretter et puis recommencer à s’absenter. En outre, le fait qu’il impose l’omniprésence de son ex malade mentalement dans sa vie de couple témoigne aussi de cette perversion. Finalement, ses humeurs finissent par dépendre de lui et elle en devient dépressive, elle perd le contrôle d’elle-même. 

 

Mais qu’est-ce qu’un pervers narcissique ?

 

Le terme de pervers narcissique est né en 1987 de l’ouvrage de Paul-Claude Racamier « les perversions narcissiques » , et bien que ce terme soit masculin, les femmes sont tout aussi propices à être perverses narcissiques. Les perversions narcissiques se différencient du pervers narcissique, ces perversions interviennent sous forme d’un “soulèvement narcissique” (= des tendances narcissiques manipulatrices vont être déclenchées) qui sont la réponse à un traumatisme subi, souvent lié à des blessures ou à des chocs émotionnels et peuvent toucher n’importe qui. L’auteur décrit ces perversions comme un déni de tout conflit intérieur, et dont les conséquences seront répercutées sur autrui, utilisé comme l’objet qui encaisse la souffrance dont il n’est pas la cause.

 

Je ne vous souhaite pas d’être confronté à un pervers narcissique, ces derniers sont rarement conscients de ce qu’ils sont et il peut s’avérer très compliqué de sortir de leur emprise. 

Si vous ne vous considérez pas comme quelqu’un de fragile, ne pensez pas que vous réussirez à vous en sortir plus facilement, parce qu’au contraire, vous êtes la cible parfaite du pervers narcissique. Il sait que vous êtes mentalement fort et cherchera toujours à vous pousser au bout de vos limites, dans vos pires retranchements, jusqu’à ce que vous n’en pouviez plus, et c’est à ce moment-là que son sentiment de satisfaction émerge.

 

Paul-Claude Racamier nous explique que le pervers narcissique n’est pas intéressé par la vérité, mais uniquement par ce qui servira ses intérêts. Si le pervers narcissique vous pousse à bout, et que vous décidez de partir, il va vous le reprocher et se positionner en victime, sans s’excuser de tout ce qu’il a fait pour que vous n’en arrivez là. Et au contraire, la moindre chose que vous ferez qui n’ira pas dans son sens vous sera reprochée des centaines de fois et constitue pour lui un argument fort et déjà largement suffisant. Il n’est redevable auprès de personne mais tout lui est dû. 

 

Pour résumé, le pervers narcissique vous fera vivre un enfer mais ne se remettra jamais en question, et tandis que vous vous comportez correctement, il trouvera toujours la moindre petite chose à vous reprochez en vous faisant culpabiliser, et fera en sorte que vous vous perceviez vous même comme celui qui a fait « pire » dans la relation.

 

Giorgio est-il un vrai pervers narcissique ou bien fait-il preuve de perversions narcissiques ? 

Cela reste à la discrétion de chacun. 

 

Selon Emmanuel Bercot, « Elle est victime de sa passion pour cet homme mais elle n’est pas victime de cet homme », affirme t-elle dans une interview donnée à Mademoizelle. 

Vincent Cassel, lui, a l’impression d’avoir joué un homme envers lequel, nombreux sont ceux qui lui ressemble et que de fait, ils sont beaucoup à se reconnaître à travers Giorgio. Durant une conférence à Cannes en 2015, il dit « oui il est roublard, oui des fois il ment mais il l’aime » pour à la suite affirmer qu’ « on peut se faire mal dans une passion amoureuse ». Il affirme aussi que loin des idées reçues, c’est pas si simple pour un homme d’être dans une relation, alors, en incarnant Giorgio, il veut sauver la cause des hommes. 

 

Comment un homme se positionne-t-il dans le couple ? Comment doit-il gérer son statut de conjoint, de père et d’homme, engorgé par les  injonctions de la masculinité qui impliquent qu’un homme doit protéger sa famille et être à la hauteur de ce que la société attend de lui. Par exemple, Giorgio ment a Tony sur son endettement, et elle s’en rend compte le jour où elle se retrouve face à l’huissier de justice qui vient pour saisir ses meubles à l'appartement dans lequel elle vit mais qui est au nom de Giorgio. Pourquoi n'a-t-il pas assumé ses problèmes d’argent ? Peut-être qu’il voyait ça comme honteux de ne pouvoir gérer son argent et n’en a donc pas parlé à sa femme. Ce type de problèmes ne sont pas que le problème de l’homme mais le problème d’un couple, en revanche, ils ne vivent plus ensemble principalement parce qu' ils ne se supportent pas, alors Giorgio gère ça seul. 

 

En outre, Tony perd le contrôle de son corps et de son esprit en faisant une dépression et en se blessant lors d’un accident, mais Giorgio lui est sous l’emprise des drogues. Cela témoigne du fait que Giorgio compense son mal-être, probablement dû à cette relation, avec des substances psychotropes.

 

En revanche, est-ce son mal-être interne qui le fait tomber dans les drogues ou bien la nature de leur relation toxique ?

 

Partie 2 à venir...

 

Sarah et Clem

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