Mythe d'Œdipe : de la psychanalyse au sport.

 

 

La légende d'Œdipe, célèbre récit de la mythologie grecque, peut en approfondissant,  trouver une résonance particulière au domaine du sport moderne. Tout comme dans la tragédie antique, un athlète moderne doit à un moment précis de sa carrière dépasser ses idéaux hiérarchiques pour “tuer le père” comprenez ici vaincre son idole de jeunesse. En explorant les parallèles entre le complexe d'Œdipe et les dynamiques psychologiques qui animent les compétiteurs, nous comprenons les défis uniques auxquels  sont confrontés les héros dans leur parcours vers l'excellence.

 

Œdipe naît de Laïos et Jocaste, avertis par l'oracle de Delphes qu'il tuerait son père et épouserait sa mère, ses parents prennent peur de cette prophétie et l'abandonnent bébé sur le mont Cithéron. Œdipe sauvé et élevé par le roi de Corinthe, ignore ses véritables origines et se rend à Delphes pour consulter l'oracle, qui lui prédit le même destin tragique. Évitant de retourner à Corinthe là où il croit savoir vivre ses parents, il rencontre son vrai père en chemin et le tue lors d'une dispute, puis résout l'énigme de la Sphinx pour devenir roi de Thèbes, épousant ainsi sa mère.

 

Dans la théorie psychanalytique de Sigmund Freud, la notion de "tuer le père" est centrale dans le développement du complexe d'Œdipe, une phase cruciale du développement psychosexuel de l'enfant. Selon Freud, le complexe d'Œdipe se produit généralement entre l'âge de trois et cinq ans, et il est caractérisé par des désirs inconscients de l'enfant envers le parent du sexe opposé (le désir pour la mère chez le garçon, par exemple) et des sentiments hostiles envers le parent du même sexe.

 

Ainsi, dans le cas du garçon, le père représente un obstacle à la satisfaction de son désir inconscient pour la mère. Cette rivalité peut engendrer des sentiments de jalousie et d'hostilité envers le père. Cependant, il est essentiel de noter que dans la théorie de Freud, “tuer le père” est une métaphore symbolique plutôt qu'une véritable intention meurtrière. Il représente le processus psychologique par lequel l'enfant, confronté à ces désirs conflictuels, parvient à résoudre le complexe d'Œdipe. 

 

Ainsi, "tuer le père" dans la théorie de Freud est un processus nécessaire pour la maturation psychologique de l'enfant, lui permettant de surmonter les conflits inconscients de la période œdipienne et de progresser vers une identité individuelle plus mature

 

Plus généralement, le complexe d’Oedipe peut s’appliquer à d’autres situations

dans lesquelles la présence d’une relation d’infériorité fait naître un sentiment de compétitivité chez la personne qui se considère inférieure, mais qui sait tout de même qu’elle ne peut pas se défaire de la personne qu’elle considère  supérieure, sans qui elle ne pourrait se développer convenablement.

 

Dans le contexte du sport, la notion de "tuer le père" peut être interprétée métaphoriquement comme le processus par lequel les athlètes doivent se libérer des influences de leurs idoles passées pour atteindre leur plein potentiel. Tout comme dans la théorie de Freud où "tuer le père" représente la nécessité pour le jeune enfant de se détacher des figures parentales pour se développer individuellement. 

 

Battre leurs modèles est une étape significative dans la carrière de nombreux athlètes. Pour beaucoup, elles sont d’emblématiques figures qui ont inspiré leur passion pour le sport et ont servi de modèles à suivre pendant leur développement. Cependant, atteignant le niveau compétitif, ces autrefois supporters doivent surmonter cette admiration pour “tuer l’idole”  représentant  un moment de transition et de transformation.

 

Vaincre son idole est un moment de validation et de réalisation de soi pour un athlète. Démontrant non seulement leur propre progression et amélioration en tant que compétiteur, mais cette confrontation générationnelle représente avant tout un passage de relais dynastique. Pour l'athlète, cette victoire devient une affirmation de sa propre légitimité et de sa place parmi les grands de son sport.

 

Lorsque Julian Alaphilippe triomphe sur la Flèche Wallone de son aîné Alejandro Valverde au sommet du Mur de Huy après de nombreuses deuxièmes places, le monde du cyclisme assiste à deux évènements majeurs. Cette course marque la fin d’une ère suite au détrônement roi Valverde après plus d’une décennie de règne en terres wallonnes, mais ce 18 avril 2018 voit principalement le couronnement du prince Alaphilippe qui en triomphant de son modèle se voit désormais en capacité d’écrire sa propre légende.

 

En fin de compte, “tuer son idole” représente un moment clé dans la carrière d'un athlète. Un moment où l'athlète se mesure non seulement à ses adversaires, mais aussi à sa propre perception de lui-même et de ses capacités. La mythologie et la psychologie restant des sources intarissables de sagesse et d'inspiration, éclairant notre compréhension des défis universels que nous rencontrons, qu'il s'agisse de surmonter des obstacles sur le terrain de sport ou dans notre parcours personnel.




Paul & Clem

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