Naît-on criminel ? Ou est-ce le résultat d’une accumulation de facteurs extérieurs ?

« Lorsque la victime ne devient plus que le réceptacle d’une violence excessive inouïe. »

 

 

L’Homme n’a cessé de se retrouver prisonnier depuis toujours d’une spirale infernale : la passion du mal. 

 

L’erreur est humaine, et nous sommes tous irrévocablement attirés par la passion du mal. Qui n’a jamais eu de pensées violentes ou de scénarios macabres ? Un rire moqueur ou un commentaire réducteur ? Un geste violent ou un acte dégradant ? Puis un regret instantané, mais pour certains, une jouissance effrayante. Certains comportements déviants dépassent notre réalité, et la norme sociale est inapplicable pour ces individus, dont le raisonnement est imprévisible et inconcevable. Et lorsque les limites de l’imagination sont franchies, et que l’effroi ne devient que subtilité face à la réalité des faits, le déni prend place et arrive le fameux « ça n’arrive qu’aux autres ». 

 

Alors qui sont ces hommes dont le nom est vecteur de l’horreur ? Michel Fourniret, ou l’Ogre des Ardennes, Monique Olivier, Marcel Ruffet et tant d’autres… Qui sont ces victimes dont la dignité a été souillée, la vie arrachée, et qui restent dans la mémoire des vivants, ou de simples références dans des émissions de faits divers ?

 

Naît-on criminel ? Ou est-ce le résultat d’une accumulation de facteurs tels qu’une carence éducative, un trouble psychologique, ou des traumatismes vécus durant l’enfance ? 

 

L’image véhiculée par les médias du prédateur attendant sa proie dans une sombre ruelle n’est plus d’actualité. Pères de familles, chefs d’entreprises, personnalités politiques ou artistes renommés, aucun rang social ou secteur n’est épargné. L’inconnu de la ruelle se transforme en une personne de l’entourage, de confiance, dont « jamais on aurait pu penser que c’était lui ». Dans 91% des cas, les agressions faites aux femmes ont été perpétrées par une personne connue de la victime. Dans 47 % des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits selon les chiffres du gouvernement. 

 

Si la multitude de crimes, de stratégies ou d’acteurs ne permet pas d’élaborer avec précision un profil type, il existe néanmoins des facteurs communs. L’expert psychologue Jean Luc Ployé a expertisé depuis le début de sa carrière près de 14 000 auteurs et victimes, dont 5 tueurs en série. Il met l’accent sur l’action du passage à l’acte, la clé de voûte du raisonnement criminel. Une simple frustration, une pulsion soudaine, la fameuse « goutte qui fait déborder le vase », lorsque la victime ne devient plus que le réceptacle d’une violence excessive inouïe. Parmi les particularités identifiées, l’expert met en évidence un éveil sexuel particulier. Une approche malsaine, un contact non consenti, un modèle parental violent : tous entretiennent un rapport singulier avec la sexualité.

 

Nous pouvons citer l’homosexualité refoulée et sadisée de Pierre Chanal, tueur en série français dans les années 80.  Dès l’enfance, il évolue dans un environnement où règnent violences conjugales, et rapports forcés entre ses parents. Également Michel Fourniret, obsédé du mythe de la virginité, auto-entretenu avec son épouse, considérant que toute femme qui n’est pas vierge est impure, et par conséquent elle ne peut que mourir. 

 

Mais également, nombreux sont ces hommes ayant subi une atteinte profonde à leur honneur, une blessure narcissique inconsciente. Parmi eux, Jacques Rançon, le tueur de la gare de Perpignan. Celui-ci grandit dans un contexte incestueux, dont l’enfance est également marquée par un harcèlement scolaire important, du fait de son surpoids, entrainant une accumulation de frustrations et blessures. Ou encore Francis Heaulme, tueur en série français, dont le père alcoolique, corrige femme et enfants à coups de câble métallique. Maltraitance, harcèlement, éducation chaotique ou sexualité particulière, le passage à l’acte résulterait ainsi d’une multitude de déficiences accumulées au cours du temps. 

 

Néanmoins, l’existence de facteurs génétiques n’est pas négligeable, bien qu’elle soit minoritaire. Nous devons d’abord démentir les idées reçues du pervers surdoué, surclassant les tests d’intelligence. En effet, outre certains cas qui sont effectivement dotés d’une capacité intellectuelle supérieure, comme Michel Fourniret avec 128 de QI, la plupart de ces hommes sont brassés dans les résultats moyens, voire proches de la déficience cérébrale comme Jacques Rançon. 

 

De plus, il existe plusieurs syndromes génétiques, comme celui de Klinefelter dont souffre Francis Heaulme, une anomalie génétique masculine qui pourrait être vecteur d’une prédisposition au crime sexuel. En effet, le taux de criminalité présenté par les sujets est supérieur à celui de la population générale. Certaines études rapportent une corrélation positive avec le syndrome et un comportement violent et une attitude agressive. Les patients sont caractérisés par un manque de jugement, une incapacité à apprendre des erreurs passées et un déficit intellectuel.

 

Mais admettons que la génétique joue un rôle prépondérant face à celui des facteurs environnementaux dans l’indice de criminalité. Alors par conséquent, l’Australie, qui a accueilli près de 160 000 bagnards sur son territoire du fait de la colonisation britannique et de la surpopulation des prisons anglaises, et dont 20% de la population descende aujourd’hui des anciens prisonniers, devrait avoir un indice de criminalité important. Mais en réalité, les résultats sont plus faibles qu’au Royaume Uni ou en France. De fait, l’impact génétique est presque nul. 

 

Ainsi, la prise en compte du facteur environnemental est importante pour la compréhension de l’auteur et de son histoire. Et bien que cela ne déresponsabilise et n’excuse en rien les actes commis, cela permet une compréhension éclairée de ce fameux passage à l’acte, et tenter de limiter les récidives. Cela offre une perspective nouvelle, car si l’impact génétique est très faible, l’influence majeure sur les facteurs extérieurs est porteuse d’espoir. 

 

On ne naît pas criminel, on le devient. 

 

Margaux Noguer 

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