Vers un retour de la peine de mort en France ?

 

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La peine de mort, bien qu’abolie en 1981 en France, et interdite selon les termes de l’article 66-1 « Nul ne peut être condamné à la peine de mort » , continue tout de même d’être réclamé par certains individus. 

 

Il y’a quelques semaines, le média d’extrême droite Le livre noir a posté  un micro trottoir dans lequel il met en avant une majorité de personnes favorables à la peine de mort. Le tout en prenant parti pour la peine capitale de manière assez implicite dans ses questions, entre la formulation et la direction vers laquelle ils emmènent leurs interlocuteurs. Cette vidéo s’appuie sur un sondage d’Opinion Way dans lequel on voit qu’il y aurait 52 pour-cent des français qui seraient favorables à la peine de mort. 

 

Ce besoin vient d’un ressentiment envers le criminel, qui peut être en effet justifié et justifiable. De surcroît, la peine de mort n’est voulu que pour des crimes d’une atrocité sans nom tel que la pedophilie, le viol, le meurtre ou bien des événements plus que tragiques tel que des attentats par exemple. 

 

En revanche elle est, on le rappelle, à la charge de l'État, et en cas de dérive autoritaire ou autre, elle peut entraîner de terribles injustices. 

 

En effet, elle est fréquemment utilisée contre les plus vulnérables dans la société, notamment les pauvres, les minorités ethniques et religieuses mais elle est aussi un instrument politique qui pourrait permettre de condamner à mort les opposants politiques comme on peut le voir dans certaines dictatures. Ainsi, depuis 1973, 164 personnes condamnées à mort ont été libérées aux États-Unis, après que la preuve de leur innocence a été faite (mars 2019, Death Penalty Information Center)

 

Bien que ce sentiment puisse être partagé, où se trouve donc la limite entre l’acceptable et le passible de mort ? 

 

Un meurtre fait il de l’accusé une potentielle victime de la peine de mort ?

 

Les circonstances sont-elles à prendre en compte ? 

 

Vous l’aurez compris parler de la peine de mort est une chose, l’appliquer en est une autre, puisqu’il faut prendre en compte la particularité des situations mais aussi la particularité des principes. En effet, les choses ne se présentent pas tel qu’on les a formalisées. La réalité est opaque, incertaine, ambiguë, et elle est toujours à l’écart de ce que l’on croit savoir d’elle. Cette volonté de rétablir la peine de mort met en avant la sécurité de la société en mettant l’individu en défaut. 

 

Or comme le dit la philosophe Américano-Allemande Hannah Arendt : « Ce qu’il y’a de grand en l’homme c’est qu’il est capable de recommencement », en effet, il n’est jamais trop tard pour faire le bien, le mal aussi également, mais c’est justement ce bien qu'il y a en chacun qu’il faut raviver chez l’individu aux actes « impardonnables ». 

 

Le postulat du « jamais trop tard » pour la rédemption, bien qu’il soit d’une difficulté ineffable, permet de rendre à l’humanité de l’espoir. En effet, laisser la possibilité de vivre à l’autre, à celui qui faute, même gravement, c’est une preuve de foi en l’homme et d’espoir qui est nécessaire pour dépasser ce stade de la colère qui est premier propagateur d'une demande de retour vers la peine de mort. Pour arriver à ne pas maudire l’humanité, ceux qui la composent, qui la mettent en défaut, il faut penser ce qu’il a de bien en l’homme.

 

De plus, l’argument qui est souvent avancé par les partisans de la peine de mort réside dans son efficacité dissuasive. Or, Au Canada par exemple, le nombre d’assassinats a diminué depuis l’abolition de la peine de mort selon Amnesty International,. Aux États-Unis, en revanche, il est plus élevé dans les États qui pratiquent l’exécution capitale que dans ceux qui y ont renoncé selon le même rapport. 

 

En plus de cela, une étude de l’Agence mondiale d’information menée aux USA en 2008 auprès de 79 criminologues, a révélé que l’effet dissuasif était plus un mythe qu’une réalité. 

 

En effet, 88,2 % de ces experts ont répondu “non” à la question “la peine de mort est dissuasive ?”. 

 

On observe ainsi un consensus croissant au sein de la communauté internationale sur cette question, en vertu de la dignité humaine, ou ne serait-ce que compte tenu du risque d’erreur. Ainsi, lors du débat biennal du Conseil des droits de l’homme sur la peine de mort, une majorité des pays ont décrété que la peine de mort n’avait pas sa place au XXIe siècle. 

 

Enfin, certains avancent comme argument que la peine de mort est une solution à l’important coût que représente un détenu en prison durant toute sa peine. 

 

Or, selon une enquête publiée dans le Maryland et relayée par 20 minutes, le coût d’un meurtrier condamné à la réclusion criminelle à perpétuité est de 1,1 million de dollars (frais de justice et incarcération). 

 

De plus, il faut additionner 670 000 dollars si l’accusation requiert la peine capitale, car le procès est rallongé et devient plus complexe. A cela s'ajoutent 1,2 million de dollars compte tenu de l’interminable série d’appels qui s’ensuit. 

 

En clair, un condamné à mort représente un coût près de 3 fois supérieur à un détenu condamné à la réclusion criminelle à perpétuité selon la même enquête.

 

Un retour de la peine de mort en France ne semble donc pas à l'ordre du jour, compte tenu de tous les facteurs évoqués. 

 

Helio Rieu

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