Whiplash, jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour réussir ?

 

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Damien Chazelle, auteur de 5 longs métrages, est l’un des réalisateurs en vogue de ces dernières années et le plus jeune à avoir remporté un oscar pour son film La La Land à 32 ans. Dans Whiplash qui est le long métrage à l’avoir réellement fait connaître, Damien Chazelle décrit la relation toxique qui se crée entre un jeune batteur et son chef d’orchestre. Ce film sorti en 2014 a été tourné en seulement 19 jours par manque de budget, véritable prouesse technique lorsque l’on voit le résultat obtenu. Il a même réussi l’exploit de décrocher 3 oscars, le saint graal dans le monde cinématographique. Bien que fictive, l’histoire et le thème principal de ce film, autour de la relation de domination entre les 2 protagonistes, met en lumière des maux actuels qui touchent notre société.

 

Andrew Neiman est un jeune adolescent new-yorkais amoureux de musique qui rêve de devenir le nouveau Buddy Rich, légende américaine du jazz à la batterie. Pour réaliser son rêve, Andrew va entrer dans une prestigieuse école de musique américaine, notamment connue pour son orchestre mené par Terence Fletcher. Le destin des 2 protagonistes va se croiser dès la scène d’ouverture, prémisse de la tension qui s’installera tout au long du film avant de finir en apothéose lors de la scène finale. La relation entre Andrew et Fletcher va très vite tourner à un rapport de force, avec Fletcher chef d’orchestre reconnu dont les musiciens se battent pour jouer avec lui, face à Andrew, un petit batteur sans aucune expérience dont la famille ne comprend pas même l’intérêt de sa passion. Ce rapport de force va être d’autant plus accentué par le caractère dictatorial de Terence Fletcher. Véritable passionné de musique, il en a une vision très particulière et notamment sur la gestion de son orchestre. Dans son esprit, pour atteindre le meilleur potentiel de ses étudiants, les pousser dans leurs retranchements quoi qu’il en coûte est le meilleur moyen pour y parvenir, quitte à les humilier en public voir même venir à la violence physique qu’Andrew subira avec une chaise reçue sur lui lors d’une répétition. 

 

Fletcher a véritablement réussi à installer une ambiance malsaine, de peur au sein de l’orchestre. Oser contrarier Fletcher est risqué de moqueries, d’injures voire même d’exclusion du groupe sans réel motif. Pourtant, malgré cela, aucun musicien ne souhaite quitter l’orchestre, ils se battent même pour conserver leur place au détriment des autres quitte à endurer une ambiance détestable à longueur de journée. A l’heure des réseaux sociaux, on peut se demander pourquoi aucun musicien n’a filmé ou bien même juste condamner les agissements tyranniques de Fletcher. Ce dernier justifie son comportement avec l’histoire de Charlie Parker, saxophoniste emblématique du jazz américain, qui aurait reçu selon les dires de Fletcher une cymbale à la tête lors d’un entraînement, ce qui lui aurait forgé un caractère pour revenir plus fort après 1 an d’entrainement. Historiquement, cette anecdote est partiellement modifiée par Fletcher puisque la cymbale a été en réalité lancée aux pieds de Charlie Parker et non au visage. 

 

Fletcher considère ainsi que c’est en poussant les artistes dans leurs derniers retranchements qu’il en fera ressortir leur talent afin d’en tirer le maximum, et que ceux n’étant pas assez orgueilleux pour se dépasser face à ses provocations ne sont pas dignes d’être des musiciens reconnus. Cette vision des choses nous amène à se poser la question de jusqu'où sommes-nous prêts à aller afin de réaliser nos objectifs. 

 

En effet, la méthode tyrannique utilisée par Fletcher peut marcher pour certains en les amenant à se dépasser et atteindre un niveau d’excellence, ce qui sera le cas avec Andrew. En effet, lors de la scène finale Andrew fait un solo de batterie magnifiquement exécutée qui n’aurait sans doute jamais été si admirable sans la méthode Fletcher. Ce passage extrêmement passionnant tiendra le spectateur dans un état de tension spectaculaire pendant plusieurs minutes juste en regardant un musicien jouer sur scène face à son ancien mentor. 

 

Cela mérite d’être précisé mais le coup de force de Damien Chazelle dans cette scène, et dans le film plus globalement, est qu’il a réussi à créer ce sentiment de tension aussi bien pour les musiciens aguerris que pour tous spectateurs, fans de musique ou non, qui seront pris dans ce final haletant. 

 

Cependant, la méthode tyrannique de Fletcher pose des problèmes à différents endroits. Andrew, hanté par un retard de quelques minutes pour une représentation, frôlera la mort lors d’un accident de voiture car bien plus occupé à regarder l’heure pour ne pas se faire virer de l’orchestre que par sa sécurité et celle des autres. En outre, il va littéralement devenir obsédé par sa place au sein de l’orchestre, quitte à laisser toutes occupations derrière lui. On le voit notamment rompre avec sa copine pour se préoccuper pleinement à l’orchestre, ou bien aller jusqu’au sang pour maîtriser un morceau sur le bout des doigts. 

 

Ce sujet traité par Damien Chazelle dans ce film est fictif mais on le retrouve très souvent dans la vie, notamment dans le cadre sportif avec des entraîneurs ou des parents qui poussent leurs enfants parfois à peine âgées de 8 ans sur des terrains de sports à longueur de journée afin de les formater le mieux possible au sport. Cette pratique controversée utilisée par certains parents témoigne bien souvent d’une projection faite sur leur enfant. Cela les pousse à forcer leurs enfants à le pratiquer à longueur de journée sans prendre en compte leur choix ainsi que leur santé mentale et physique

 

Gabin Nové-Josserand 

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