L’affaire des viols de Mazan : une nouvelle figure féministe pour que la honte change de camp

headtopics.com
21 novembre 2024
Quand une « simple » suspicion déclenche un effet boule de neige entraînant accusations et révélations en cascade, la justice et l’opinion publique se retrouvent face à un dilemme moral complexe. Cette affaire des viols de Mazan, celle de Pélicot, de Gisèle Pélicot, de Dominique Pélicot ; Peu importe la qualification employée, nous la connaissons tous, que nous suivions l’actualité ou non. Ce sont donc 4 mois de procès, jusqu’au 20 décembre 2024 devant la cour criminelle départementale du Vaucluse à Avignon.
Mais alors pourquoi cette affaire a-t-elle un aussi fort impact dans la société française et internationale ?
À première vue, on pourrait déjà être surpris, voire horrifié, lorsque l’on apprend le nombre d’accusés. Toutefois, avant d’expliquer en détails l’affaire, revenons-en aux débuts.
Tout commence par un fait plutôt banal ou du moins banal comparé à ce qui allait suivre et à ce que les enquêteurs allaient découvrir.
Le 12 septembre 2020, aux alentours de 15h30, Dominique Pélicot, jeune homme ou plutôt vieil homme de 67 ans, se trouve dans l’enseigne de supermarché Leclerc à Carpentras. Il est alors interpellé par les agents de sécurité après avoir, pour la quatrième fois consécutive, filmé sous les jupes de plusieurs clientes à leur insu. Le drame se déclenche alors pour Dominique Pélicot, et sans le savoir ses actions allaient lui coûter cher – et tant mieux !
La police intervient donc sur les lieux, Dominique Pélicot est menotté, arrêté, et son téléphone est saisi. Le parquet de Carpentras décide de lever la garde à vue le lendemain matin tout en continuant l’enquête préliminaire. C’est alors que les enquêteurs découvrent dans sa galerie photo des vidéos et photos choquantes mettant en scène une femme, régulièrement, inanimée. Une expertise psychiatrique est lancée et une perquisition est faite au domicile du couple permettant de saisir tout le matériel informatique de Dominique.
C’est l’horreur avec un petit « h », comme celui de l’atrocité qu'ont commis ces hommes, qu’apprennent les enquêteurs. L’analyse du matériel informatique a alors permis de révéler des échanges sur le site de rencontre « coco.gg » entre Dominique Pélicot et des inconnus.
Celui-ci incitait et les invitait à venir violer sa femme, Gisèle Pélicot, chez eux, alors qu’elle était inconsciente, « grâce » à la soumission chimique qu’il lui imposait. Dominique Pélicot est replacé en garde à vue le 2 novembre 2020. Dans une autre pièce du commissariat de Carpentras, le même jour, sa femme découvre pour la toute première fois ce qu’elle a vécu pendant plus de 10 ans. Deux jours plus tard, Dominique Pélicot est placé en détention provisoire.
Les policiers découvrent ensuite des centaines de vidéos et images d'une atrocité indescriptible. Sur l’ordinateur, un dossier intitulé « ABUS » contenant des centaines de vidéos aux titres explicites mettent en scène des viols est découvert. Les enquêteurs dénombrent alors plus de 92 viols de juillet 2011 à octobre 2020 commis à l’encontre de Gisèle Pélicot, dans la chambre conjugal du couple à Mazan.
Mais les découvertes n’allaient pas s’arrêter là, les policiers découvrent également la fille du couple sur des images où elle apparaît inconsciente et en sous-vêtements, ainsi que des vidéos des belles-filles de Dominique Pélicot prises à leur insu.
Malgré l’épouvantable que ces hommes, et surtout Dominique Pélicot, ont infligé à Gisèle Pélicot, cela aurait pu être pire selon la fille du couple lors d'une interview chez Quotidien. Elle explique que sa mère a subi une soumission chimique pendant plus de 10 ans, alors âgée d’une soixantaine d’années. Sous l’effet de fortes doses de Temesta (lorazépam), un anxiolytique puissant, elle était inconsciente, ce qui a eu un impact considérable sur sa santé : importante perte de poids, absences, fatigue, douleurs gynécologiques anormales. Selon sa fille, sa maman aurait pu mourir depuis 2021 à cause de cette soumission chimique la mettant presque dans un état proche du coma.
De plus, Gisèle a échappé de justesse aux infections VIH, la syphilis, et hépatites, mais elle a tout de même contracté 4 maladies sexuellement transmissibles dont le papillomavirus.
Gisèle est rapidement devenue la nouvelle figure féministe incarnant l’image d’une femme forte et courageuse voulant changer les mœurs de la société, sans se laisser abattre par ces monstres notamment grâce à son procès. Au départ, l’avocat général Jean-François Mayet a requis un huit clos mais Gisèle s’y oppose catégoriquement. Elle souhaite que son procès soit public, pour exposer au monde entier ce qu’elle a subi, et ainsi renverser la honte. Les médias s'emparent immédiatement de l’affaire et elle devient le cœur de l’actualité en France et à l’international.
Gisèle Pélicot est comparée par certains internautes à l’avocate Gisèle Halimi, pour souligner un possible destin « similaire » : deux grandes femmes, fortes, combattant la société patriarcale, œuvrant pour faire évoluer les mentalités et permettre aux femmes de disposer de leur corps, de vivre libres et protégées par une « justice juste ».
Gisèle Pélicot a affirmé clairement sa volonté par ces mots : « Je voulais que toutes les femmes victimes de viol puissent se dire « Mme Pélicot l’a fait, on pourra le faire ». Quand on est violée, on a honte, mais ce n’est pas à nous d’avoir honte, c’est eux ».
Évidemment, derrière ses paroles empreintes d’espoir, elle reconnaît aussi la douleur et l’impact de tels actes : « Je suis une femme totalement détruite ».
Bien sûr, elle a également rappelé « Il n’y a pas de « viol et viol ». Un viol est un viol » se disant « humiliée » par les avocats de certains accusés avançant des propos comme « Il y a viol et viol et sans l’intention de le commettre il n’y a pas viol », selon Me Guillaume de Palma. Quelle honte pour un avocat !
Dans cette affaire hors du commun, les cinquante accusés sont des hommes de notre quotidien : des pères, des frères, des fils, des grands-pères ; mais surtout des hommes exerçant des métiers dans le soin, l’aide à la personne, le maintien de l’ordre public, les relations sociales : un infirmier, un jardinier, un policier, un sapeur-pompier mais également des ouvriers, des chauffeurs routiers et même certains retraités ou sans emploi.
Cependant, on pourrait se dire qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter, il y a les vidéos où les viols sont clairement filmés, donc les preuves sont là ; les accusés ne pourront pas dire que ce n’était pas un viol. Quoi ! Attendez, je pense avoir mal entendu et lu certains arguments d’accusés, qui ne reconnaissent pas ces viols ou qui osent dire s’être fait piéger, mes pauvres chouchous !
Voici quelques-uns des arguments les plus perspicaces : « ça ne m’a pas traversé l’esprit, je pensais qu’elle était morte », s’indigne un accusé, infirmier, face à la cour ; effectivement, c’est logique, si elle était morte cela aurait été mieux finalement, suis-je bête !
« C’est pas grave qu’elle dise rien, lui était d’accord », ajoute un autre accusé déjà condamné pour violences conjugales notamment ; évidemment, Gisèle n’a pas son mot à dire, elle est sous l’autorité de son mari, que dis-je, ce n’est même pas une personne !
« J’ai eu des problèmes d’érection, c’était pas l’éclate. Je n’arrive pas à voir ça comme un viol », accusé s’étant rendu 6 fois chez Gisèle Pélicot, « Je n’ai pas pris de plaisir et je n’ai pas éjaculé », accusé s’adressant à la cour ; stop attendez, arrêtez tout, ils n’ont pas aimé de ce qu’ils ont fait, ce n’était pas si génial finalement, mince mais pourquoi, apportez-leur un petit bonbon pour les réconforter c’est tout de même primordial, non ?
Allez une petite dernière pour la fin : « pour lui la lubrification était une signe de participation et d’acceptation », propos de l’expert psychiatrique transmettant à la cour des propos de l’accusé lors de son expertise. Pour une fois, le gouvernement disait vrai, le niveau scolaire baisse considérablement !
Seulement, les 10 années de viols qu’a subi Gisèle Pélicot n’ont apparemment pas suffi pour certains qui osent en faire des caricatures vulgaires, irrespectueuses, grossières, ignobles, d’une bassesse remarquable. Mais nous pouvons donc remercier le splendide journal satirique & laïque, Charlie Hebdo.
Merci à lui de permettre à Gisèle Pélicot ici mais également à toutes les femmes de se sentir soutenue, encouragée à combattre ces criminels, mais surtout mise en valeur afin de ne pas avoir honte. Eh bien, merci pour l’effort, messieurs, parce que oui évidemment, ce sont bien des hommes remplis d’élégance, d’éloquence et de « talents artistiques » qui ont l’audace de faire de tels « dessins » et de les publier.
Toutefois, à quoi pensais-je, voyons, « Not all men » bien sûr, pardon messieurs je vous ai touché dans votre intimité, mais bon j’essaye de vous ressembler du mieux que je peux !
Cependant, ne nous attardons pas sur ce genre de grossièretés qui ne méritent ni notre temps, ni notre salive. N’oublions pas le positif, de nombreuses personnes soutiennent Gisèle Pélicot, notamment par le biais de manifestations dans toute la France, d’applaudissements lors de l’entrée de Gisèle au tribunal, ou même Nabilla qui avait lancé une cagnotte pour l’aider (mais qu’elle ferma par la suite à la demande de Gisèle Pélicot).
Mais pour finir, je voudrais surtout partager mon plus grand soutien à cette admirable femme qu’est Gisèle Pélicot qui se bat pour elle et pour les femmes mais également à toutes les femmes qui subissent des violences physiques ou morales, sexuelles ou non, régulièrement ou non ; on vous croit et on vous aime ! SOYEZ FORTES et n’ayez pas honte car C’EST EUX LA HONTE !!
Sandra Bani
Créez votre propre site internet avec Webador