La vraie-fausse victoire de la gauche
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33.1% des voix, c’est le score obtenu par le Rassemblement National au premier tour des élections législatives dimanche 30 Juin, soit plus de cinq points d’avance sur le Nouveau Front Populaire (NFP), arrivé deuxième. Cette alliance hétéroclite composée de l’ensemble des forces de gauche a rassemblé seulement 28% des voix exprimées soit un peu moins de trois votant sur dix.
Pourtant, dimanche soir, au second tour, immédiatement après l’annonce des premiers résultats, Jean-Luc Mélenchon puis l’ensemble des leaders du NFP annoncent qu’ils gouverneront en menant l’ensemble des mesures de leur programme : la manipulation est en marche. En effet, ces propos se heurtent à la réalité. Avec 178 députés, le NFP est loin, très loin, trop loin des 289 députés – la majorité absolue – pour pouvoir prétendre gouverner seul.
Dès lors, pourquoi la gauche martèle-t-elle qu’elle gouvernera sans concession sur la base du programme du NFP ?
Il s’agit d’une stratégie politique cynique participant à la conflictualisation du pays, le fonds de commerce de la France insoumise (LFI) et particulièrement de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier, en faisant croire qu’il est en mesure de gouverner, donne de faux espoirs à ses partisans. Ensuite, il expliquera que ce sont les « élites » ou les « fachos » qui l’ont empêché de mener à bien son programme. En réalité, ce sont les Français qui, en majorité, rejettent ses idées. Peu importe, les partisans du NFP, sensibles à la campagne de victimisation, rejetteront la faute sur les autres formations politiques attisant la haine entre les soutiens de Jean-Luc Mélenchon et le reste des familles politiques.
Les trois autres partis du NFP sont à la fois complices et « otages » de cette manipulation. En effet, le premier leader de l’alliance envisageant un compromis - pourtant nécessaire pour gouverner le pays - sera lynché par l’ensemble des autres partis de gauche. Ces derniers le dépeindront comme le « traitre ». Ainsi, afin de contenter leur base électorale, minoritaire dans le pays, les principaux responsables politiques de gauche, ayant peur d’être les premiers à faire un geste vers une autre formation politique, entretiennent la croyance fausse selon laquelle ils seraient en mesure de mettre en œuvre le programme du NFP.
En outre, parmi les arguments avancés par les dirigeants de gauche pour justifier l’idée qu’ils n’ont pas besoin de faire de compromis est mentionnée la possibilité de gouverner par décrets. Autre hypothèse évoquée par certains élus du NFP, recourir au « 49-3 » en misant sur le fait qu’« Ensemble » ne vote pas de motion de censure avec le RN. Mais dans ces deux cas, quid du respect de la démocratie ?
En ce sens, cela fait deux ans que tous les élus de gauche dénoncent ces méthodes employées par la majorité présidentielle. Cela fait deux ans que tous les élus de gauche reprochent à Emmanuel Macron de gouverner en manquant d’humilité, en ne respectant pas le vote des français, en méprisant la volonté générale. Cela fait deux ans que tous les élus de gauche moralisent les débats - à juste titre peut-être, là n’est pas le sujet - et aujourd’hui, avec soixante-sept députés de moins que le groupe présidentiel en 2022, cette même gauche refuse tout compromis…
Dès lors, des solutions pour sortir de cet entre-soi sont-elles envisageables ? Il semble possible, bien que très incertain, qu’assez rapidement des élus responsables de gauche ayant le sens du devoir républicain s’extirpent du NFP, cette alliance électoraliste disproportionnellement dominée par LFI. En effet, j’ai espoir que le Parti Socialiste (PS), le Parti Communiste Français (PCF), et Europe Ecologie les Verts (EELV), sans renier leur programme, reconnaissent que la victoire de la gauche est relative.
Par conséquent, cela permettrait de négocier, au moins texte par texte des accords pour faire avancer le pays et continuer à lutter contre les extrêmes. En somme, il faut que la démocratie française mûrisse, et apprenne à devenir un régime parlementaire dans lequel il est possible de gouverner sans majorité absolue, comme c’est le cas partout sur le Vieux Continent et notamment au sein même des institutions européennes. Pour cela il faut avant tout que chacun fasse preuve d’humilité, sans chercher à manipuler l’opinion publique.
En définitive, si les dirigeants du NFP affirment qu’ils sont en mesure de mener l’entièreté de leur programme malgré une majorité très relative, cela s’explique avant tout par de sombres calculs politiques. Cela pourrait même s’avérer mortifère. En effet, le mépris des 72% d’électeurs n’ayant pas voté pour le NFP pourrait, je le crains, faire grossir les rangs du RN en renforçant le vote « contestataire ».
Après l’arrogance d’Emmanuel Macron, il ne faudrait pas que la gauche tombe elle aussi dans cet écueil. Sans quoi, le barrage au RN ne sera qu’un sursis. La France mérite mieux que l’irresponsabilité politique de nos élus actuels. L’extrême droite étant toujours un péril qui guette la France, il faut de toute urgence de l’humilité, du pragmatisme et des compromis parmi le reste de la classe dirigeante pour lutter contre cette radicalité.
Mathis Sorlut
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