Le Front Populaire : La gauche et le piège de la NUPES
Fabien Roussel, Manuel Bompard, Marine Tondelier ou encore Olivier Faure : tous ont appelé à s’unir pour faire barrage à l’extrême droite. Déjà éparpillés aux élections européennes, les partis de gauche veulent remettre au goût du jour une union entre les différents mouvements.
Comme un symbole, ce front populaire aurait pour projet de faire barrage à l’extrême droite lors des prochaines élections législatives. Mais pour faire barrage au torrent extrémiste, il faut d’abord s’assurer d’avoir des fondations assez solides.
Les partis de gauche cumulent les divergences sur les thématiques les plus importantes, et surtout, sur la manière de les appréhender. Dès lors, il semble très, voire, trop ambitieux de vouloir établir un programme avec 100 mesures communes.
Par exemple, EELV et LFI souhaitent la sortie du nucléaire, tandis que le PS et le PC s’y opposent.
Mais au-delà de la scission idéologique, le véritable clivage réside dans la manière de présenter ses idées.
LFI n’a cessé durant les derniers mois de s’attaquer à tous ceux qui ne partageaient pas les mesures portées par le parti. Ces attaques, souvent corroborées d’une violence verbale, sont loin d’avoir été réservées à la macronie et l’extrême droite.
La fracture de la NUPES s’est notamment amorcée autour des discours incendiaires de Jean Luc Mélenchon et ses partisans. Ainsi,le 21 septembre, Mélenchon relayait notamment un post Facebook mentionnant “L’histoire se répète, il y a du Doriot dans Roussel”. Pour rappel, Jacques Doriot était notamment un partisan zélé de la collaboration, allant jusqu’à enfiler la tunique nazie au combat.
Le 10 mars, Rima Hassan publie une photo de Meyer Habib (député LR et très proche de Netanyahu) à côté de Fabien Roussel, en déclarant “Une image vaut mille mots. La traîtrise a un nom : le rousselisme”. La photo provient en réalité de la cérémonie d'hommage aux victimes françaises du 7 octobre, durant laquelle les places sont nominatives.
On peut lire dans ces deux exemples la stratégie incendiaire de LFI, mais surtout la désapprobation d’une partie de la gauche sur les méthodes utilisées. Ces méthodes là refont notamment surface depuis plusieurs mois, compte tenu de l’actualité géopolitique mondiale.
A la suite du 7 octobre, LFI s’est emparé de la question palestinienne pour la mettre au cœur de leur programme (Mélenchon déclarait sur X : “Je dédie notre résultat à la population de Gaza”). Une stratégie qui divise également à gauche, notamment face aux thématiques plus importantes aux yeux des français.
Par dessus tout, LFI n’a cessé d’attaquer Raphaël Glucksmann, le candidat du PS, en concentrant son énergie pour décrédibiliser les socialistes plutôt que Jordan Bardella.
Beaucoup d’électeurs de gauche affirment également sur X s’opposer fermement à une alliance avec LFI, notamment face à leurs méthodes jugées tantôt excessives, tantôt brutales.
Une certaine brutalité dans les revendications qu’on retrouve notamment dans les révélations de Libération, qui dévoile que LFI réclame, au sein du Front populaire, 300 circonscriptions parmi les 577 disponibles (229 selon les dernières informations). Or, le PS pèse désormais plus que LFI, et le rapport de force précédemment établi doit être remis à jour et prendre en compte les résultats des élections européennes.
Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a ainsi annoncé son souhait de constituer un Front Populaire sans Mélenchon. Mais si le Front populaire veut être suffisamment fort, c’est tout le mélenchonisme qui doit disparaître avec l’ancien candidat à la présidentielle.
Parmi les conditions qu’énumérait Glucksmann pour s’allier avec LFI ( à noter qu’il le faisait pendant que les représentants des partis étaient réunis pour s’allier), il déclarait notamment la nécessité d’un “ rejet de la brutalité de la vie politique, des insultes, des fake news, des calomnies”. Une allusion très claire à la stratégie des insoumis, dont le leader du PS (aux européennes) et du parti communiste ont notamment fait les frais.
En plus des discours enflammés des cadres de LFI, le trumpisme de gauche ne doit pas s’immiscer dans le débat politique. Ces relents complotistes envers les institutions décrédibilisent totalement les revendications portées par Mélenchon. Et ce, notamment lorsqu’il publie sur X “A 1 heure du matin la République bananière macroniste n’a toujours pas publié les résultats des élections. Ils les finalisent à l’Elysée ? Ou bien dans le bureau du maire ?”.
En plus d’être faux (les résultats étaient déjà disponibles sur le site du ministère de l’Intérieur, précise une note de la communauté), ce tweet induit une corruption des élections en faveur de la majorité présidentielle.
Il faut remettre la démocratie au goût du jour, et battre l’opposition par le débat, plutôt que par le rejet. Le RN est déjà présent dans notre hémicycle, comment l’ignorer ?
Si le front populaire veut être la véritable barrière à l’extrême droite, alors la stratégie adoptée doit s’éloigner du mélenchonisme. Idem pour les électeurs du Rassemblement National, on ne peut pas traiter des millions de français de facho car ils ont voté pour le RN.
Si le parti progresse autant, en ralliant les déçus de la gauche et de la droite dure, alors il faut se concentrer sur son propre programme avant de remettre en question la légitimité de l’opposition.
Si le Rassemblement National est un danger pour la démocratie, alors il faut le battre dans une perspective démocratique. Dans les urnes, par les urnes ; dans le débat, par le débat.
Eliot Senegas
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