Le quartier du Tonkin : Au coeur de la Résistance

Hervé Pupier, tous droits réservés
Le jeudi 15 février 2024, l’émission hebdomadaire de France 2, Envoyé Spécial animée par Elise Lucet, a capturé l'essence de la lutte des habitants du quartier "Charpennes-Tonkin" contre la violence qui domine ses rues.
Dans cette France où de nombreuses villes sont devenues le théâtre de batailles entre les réseaux de trafiquants de drogue, semant la peur et la violence au sein des familles, le quartier se distingue par une mobilisation citoyenne qui fait face à ces forces destructrices.
D’où vient cette force communautaire ? Afin de mieux comprendre les 20 000 habitants du plus ancien quartier de Villeurbanne et l’actuelle lutte du collectif “Tonkin Paix-sible", rappelons que ce quartier est avant tout, une terre riche en histoires variées et en unité.
À la Découverte du Tonkin
C’est au milieu du 19ème siècle que les Charpennois (habitants de Charpennes) nourrissent ce rêve audacieux d’indépendance. Malgré des efforts acharnés, leur projet de commune autonome baptisé "Charpennes" est rejeté en 1846.
Parallèlement à ce projet, à proximité de Charpennes, un terrain autrefois boueux se développe sous la tutelle des Hospices civils de Lyon. Progressivement aménagé aux abords du célèbre Parc de la Tête d'Or, il devient le "quartier de la Tête d'Or”, puis des années plus tard, fut nommé définitivement le "quartier du Tonkin".
Pourquoi avoir choisi ce nom pour le quartier, imprégné de significations historiques ?
Tout remonte à l'année 1885 : au cœur de ce quartier en pleine expansion, une rue est baptisée “Tonkin”, en référence à l'opération coloniale française en Asie du Sud-Est. Aussi, il s’agissait d’une référence aux installations indochinoises lors de l'Exposition Universelle internationale et coloniale de Lyon en 1894.
Dans cet élan historique, l'ouvrage écrit par Charles Roche intitulé "Un Tonkin peut en cacher un autre" publié en 2006, offre un précieux recueil historique et anecdotique sur le quartier du Tonkin, qui apporte une perspective unique sur son passé et son évolution au fil du temps.
Des anecdotes racontées par les habitants eux-mêmes, c’est une véritable invitation au voyage à travers les rues animées de la Grande rue des Charpennes, les mystères de l'avenue Galline, ou encore les luttes politiques symbolisées par la bataille électorale de 1977 avec la présence de Charles Hernu.
Aujourd’hui : La Résilience face à l’Adversité
Il y a quelques années encore, ce quartier était décrit par la symphonie de son mélange culturel, son caractère architectural unique, son accès à la culture, ou encore par sa proximité géographique avec l’un des plus grands parcs urbains de France.
Dorénavant, le quartier n’est plus défini de la même manière ; des termes liés à la violence et à la méfiance dominent les conversations à son sujet.
En effet, depuis plus de trois années maintenant, un fléau ravage le quartier du Tonkin : celui du trafic de drogue et de la violence. Alors, plutôt que de se laisser submerger par la peur et la désolation, les habitants font preuve d'une résilience remarquable.
Depuis juin 2020, un regroupement d’habitants armés de courage et de solidarité s'est engagé dans une série d'actions, allant de rondes de surveillance à des manifestations publiques sous le nom de “Tonkin Paix-sible" pour restaurer la paix et la sécurité au sein de leur communauté.
À l’origine de ce collectif, ce sont des personnalités locales telles que Sylvie, une professeure de français âgée de 66 ans au Collège du Tonkin, et Tristan, charpentier de profession et résident, qui ont pris l'initiative de se faire davantage entendre, comme en témoigne leur apparition en tant que figures principales dans le reportage d'Envoyé Spécial intitulé “Pas de dealers en bas de chez moi !”.
Dans ce reportage, Tristan et Sylvie ont exprimé l'esprit de leur combat : "Nous sommes conscients des risques que nous prenons. Nous avons déjà été menacés. Mais si nous n'agissons pas, personne ne le fera."
Seule solution : Descendre en bas de chez eux
Contraints de descendre dans la rue pour affronter eux-mêmes les dangers, les résidents du quartier du Tonkin se retrouvent confrontés à une situation délicate.
Parmi les fusillades les plus récentes, on fait référence aux trois fusillades survenues à quelques mètres de l’École Maternelle du Tonkin en novembre dernier.
L’évènement traumatisant à de nombreux égards, a entraîné un renforcement temporaire de la présence policière dans le quartier. Malgré cette mesure, les résidents ont constaté avec amertume que la présence des dealers persiste encore jusqu’à aujourd’hui, mettant en lumière un certain mépris du gouvernement à leur égard selon les propos des résistants.
Après une lettre adressée au gouvernement quelques jours plus trad, le collectif "Tonkin PAIX-sible" a publié sur sa page Facebook une lettre de réponse du Ministère, signée par le chef du cabinet, affirmant prendre connaissance de la situation, partager les préoccupations des habitants et proposer un lien internet pour signaler tout comportement lié au trafic de drogue.
Cependant, cette réponse a été perçue comme insuffisante par la communauté, laissant un sentiment de frustration et de désillusion. Cette situation met en évidence une nécessité pour les autorités de prendre des actions concrètes pour répondre aux préoccupations légitimes de la population.
Autrefois associé à la diversité culturelle et de vitalité communautaire, le quartier du Tonkin est désormais associé au chaos. Pourtant, c'est en puisant dans ses souvenirs que les habitants cherchent à réécrire son histoire, en inscrivant dans ses rues la résilience et la solidarité face à l'adversité.
Inès M.
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