Michel Barnier, portrait d'un homme aussi consensuel que clivant
RTL.fr
Sept longues semaines ont précédé la nomination du septuagénaire, laissant place au dégoût des uns, et à l’exultation inattendue des autres.
Alors que Macron avait déjà écarté la possibilité de nommer un gouvernement issu du NFP il a quelques jours, il fait aujourd’hui de la cinquième force politique des élections législatives, le décideur du futur politique proche.
Michel Barnier, 73 ans, connu tant pour son engagement européen, que pour ses différents mandats nationaux, illustre au goût de Macron la figure de consensus recherchée si âprement par le président de la République.
Mais cette habilité à rechercher le consensus de Michel Barnier, tranche avec certaines de ses positions, pour le moins… clivantes.
Un engagement Européen
Lui qui se présente comme un diplomate de haut vol, met en avant son rôle prépondérant dans la négociation du Brexit et sa faculté à négocier pour trouver des accords. C’est notamment à cette occasion qu’il s’est illustré par une réclamation conjointe avec le président d’extrême droite Orbàn, de désobéir aux règles européennes sur les droits humains pour mettre en place un bouclier migratoire en France.
Ainsi, il défendait la mise en place d’un moratoire migratoire de plusieurs années en Europe pour “reprendre la main sur notre politique migratoire”, sous entendant donc de faire une “pause” pour pouvoir mieux établir des quotas par la suite.
Bruxelles s’en était d’ailleurs offusqué, de la même manière que lorsqu’il avait proposé aux primaires Républicaines de 2021 de mener un référendum sur l’immigration pour répondre aux flux migratoires conséquents.
Il va sans dire qu’aux yeux de cet ancien eurodéputé, l’immigration n’a pas d’âge, et il défendait également une réduction drastique du nombre d’étudiants étrangers venant en France chaque année.
Patriote de la première heure
Gaulliste convaincu, Barnier a fait ses classes à l’UDR, au RPR et à l’UMP, avant de concourir aux primaires Républicaines pour les élections 2022.
Fervent défenseur de la remigration des délinquants et des quotas de visa, son moratoire et sa proposition de référendum sur l’immigration avaient choqué jusque dans son propre camp, notamment lorsque cet européiste convaincu suggérait de s’affranchir des règles européennes sur le sujet. Ce penchant extrémiste sur la question migratoire a en tout cas séduit au-delà de son parti, puisque Marion Maréchal a appelé le nouveau Premier ministre à “tenir ses promesses”.
Celui qui a été ministre de l’Environnement avait été salué par Greenpeace pour sa volonté d’agir (instauration du principe de pollueur-payeur dans la loi), bien que beaucoup craignent que la transition écologique n’occupe pas une place majeure dans les futures décisions politiques du gouvernement à venir. Reste que s’il souhaite véritablement s’investir dans sa cause, c’est le nucléaire qui en bénéficiera au détriment des parcs éoliens
En bon adepte de la logorrhée méritocratique de la droite, il poussait pour la suspension de l’allocation chômage après deux offres sérieuses de travail, et se présente comme un ennemi de l’assistanat. Quant à la retraite, il prônait un départ à 65 ans, ce qui ne devrait pas inquiéter la réforme macroniste sur le sujet.
A quoi faut-il s’attendre ?
Assuré de bénéficier du soutien explicite des Républicains (et passif du RN sur bon nombre de mesures), Barnier pourrait bien faire appliquer certaines de leurs mesures phares comme la suppression de l’AME, constamment remise sur la table depuis plusieurs années maintenant, tout comme la peine plancher et la suppression de l’excuse de minorité.
En somme une justice punitive et ferme, qui se traduit également par la volonté d’ouvrir massivement des places en prison et par le rétablissement de la double peine.
Mais il fait surtout partie de la frange très libéral de la droite, et sa nomination devrait s’accompagner de réductions d’impôts sensiblement élevées pour les entreprises, mais également d'exonérations de charges pour les salaires intermédiaires.
Ce qui retient néanmoins notre attention dans ce programme économique mesuré, c’est qu’il souhaite maîtriser le budget de l’Etat compte tenu de la surveillance accrue du FMI et de nos voisins européens. Cette mesure indispensable est dûe, sans aucun doute, au fait qu’il n’arrive pas à Matignon avec un projet faramineux comme pouvaient le posséder certains partis.
Barnier fait également de l’éducation sa priorité absolue : augmentation des ZEP, du salaires des enseignants, cette refonte des objectifs de l’éducation nationale fait miroiter quelques avancées intéressantes.
Mais est-ce à cela que nous aspirions ?
Quelques satisfactions ne gommeront sûrement pas le tableau qu’il s’apprête à dévoiler au pays.
Eliot Senegas
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