Ne nous trahissez pas
Jean Luc Mélenchon, photo datant de 2022
On nous vend toujours la politique comme un combat.
Un combat autour de valeurs communes, d’une vision partagée, et d’une volonté de changer l’orientation du pays pour assurer la satisfaction du peuple.
Mais, comme à son habitude, la politique nous déçoit, construit une sphère opaque dans laquelle tourbillonnent en cœur mensonges et démagogie. Comme à leur habitude, nos représentants, la voix du peuple, le bras armé de la démocratie, nous mentent, et nous méprisent.
Alors oui, j’ai mal à ma politique qui s’est prêté au jeu du populisme pour séduire des foules en haleine qui peinent à vivre correctement.
Car cette campagne des législatives s’est surtout axée autour de la séduction du portefeuille des français en arborant fièrement l’ambition de donner à nouveau un souffle salarial aux plus démunis. Et pourtant, l’augmentation du smic ne sera jamais votée au Parlement et la baisse de la TVA non plus.
Et heureusement, car ce vieux penchant démagogue de la gauche sur les salaires décrédibilisent le combat hautement important de la lutte contre la précarité. Quid de la baisse de TVA, qui est une des plus larges impostures de ce siècle alors qu’elle est fièrement portée par les quelques députés du RN qui auraient réussi à déglutir un mot éloigné de l’immigration.
Après des années à supporter le cynisme de Macron, à vivre au quotidien la montée du RN armée de son populisme fertile et dystopique, la gauche nous a trahi.
La gauche des valeurs, la gauche de la démocratie et la gauche des Lumières.
La gauche de la vérité nous ment.
Mais elle ne fait que répéter un narratif politique qui s’invite souvent chez nos responsables les plus hauts.
Non la gauche n’est pas majoritaire dans un pays qui, en plus d’avoir bénéficié d’arrangements électoralistes, a vu deux tiers de sa population s’opposer au programme du NFP. Cette gauche qui a bénéficié de la moitié du report de voix des macronistes au second tour, et qui suppliait Macron de prendre en compte les voix de gauche qui lui avaient toujours permis d’être élu en 2022.
Cette gauche qui martèle qu’elle appliquera tout son programme, et rien que son programme alors qu’elle n’est même pas assurée de gouverner. Cette gauche au fonctionnement interne stalinien qui fustigera sans vergogne le premier socialiste à émettre l’hypothèse d’une alliance.
Car oui, cette gauche est loin d’être majoritaire, et le premier groupe politique ne manquera pas de se briser les dents sur la première loi nucléaire à l’assemblée.
Mais surtout, cette gauche héritière du mélenchonisme, dont l’apanage sacré repose sur le nous contre eux. Mais à trop vouloir s’arroger une majorité qui en plus d’être relative, ne tiendra pas longtemps, alors on fait diminuer le rang du nous au profit du rang des eux.
Puisque la première traduction de cette victoire est un rejet puissant du RN, et non pas une validation coûte que coûte du programme du NFP. Car oui, les électeurs se sont majoritairement déplacés pour faire opposition à, et subiront encore une fois la négligence des politiciens égoïstes.
J’en arrive à avoir honte d’avoir milité pour une coalition de gauche menée par une France Insoumise qui fait du mensonge un fond de commerce électoral.
L’hubris de Macron a déteint à gauche, et aucune humilité ne s’est fait ressentir dans les rangs du NFP qui clame désormais sur tous les toits qu’il appliquera à la lettre son programme.
Mais pourquoi mentir comme ça ?
Avec une majorité relative aussi faible, on ne peut gouverner durablement et de manière aussi radicale. Comment mener un programme de rupture quand une part plus importante de l’assemblée est conservatrice ?
Car le NFP devra gouverner à coups de 49.3 pour passer ses mesures, alors même qu’ils accusaient le gouvernement Borne d’en abuser aussi allégrement. Mais c’est sans oublier la motion de censure qui l’accompagnerait derrière, et un inlassable retour à la case départ. Puisque pendant 3 ans, c’est un cercle vicieux qui risque de s’enclencher sans majorité consensuelle.
Alors quoi ? Gouverner par décret ? Cela implique donc de sauter le vote du Parlement, et ce après avoir qualifié Macron d’ennemi de la démocratie pendant des mois. Sans oublier encore une fois la motion de censure qui s'en suivrait, mais également le fait que ce programme a récolté à peine un tiers des suffrages exprimés.
Car si Manon Aubry déclarait sur X “ Maintenant, nous voulons appliquer le programme sur lequel le Nouveau Front Populaire a été élu”, pourquoi ne pas adopter la même position qu’en 2022, lorsque tous les électeurs de gauche imploraient Macron de prendre en compte leur voix dans sa politique ? Pourquoi LFI qui blâmait Macron de ne pas écouter les revendications de la majorité des français, milite pour appliquer un programme élu avec encore moins de popularité que celui de Macron en 2022 ?
Au-delà de ces mensonges passifs, pourquoi mentir ouvertement aux français ? Pourquoi déclarer sur X “Notre gouvernement pourrait abroger la réforme des retraites par décret dans l'heure où il prendra ses fonctions !” Alors qu’un décret ne peut pas abroger une loi sans remettre en cause la pyramide des normes. Même l’abrogation des décrets d’application paraît complexe au vue de la situation et du flou politico-juridique autour de la situation, alors pourquoi mentir aussi ouvertement aux citoyens ?
D’autant plus que des décrets aussi importants que ceux ambitionnés sur la question du smic et du blocage des prix, nécessiteraient sans aucun doute possible, le vote d’une loi de finance rectificative pour financer les mesures, dans une assemblée hostile.
Pourquoi faire souffler un vent d’espoir sur la France aujourd’hui en l’exposant à la tempête de la réalité ?
Macron a certainement favorisé la montée en puissance de l’extrême droite, mais il n’est pas celui qui a fait fuir les ouvriers de gauche vers le Rassemblement National. Non, la gauche a sa part de responsabilité. Dès lors, il faut s’en montrer digne.
Mais la dignité passe avant tout par l’humilité, et les déclarations fougueuses et sans nuances de la part des élus de gauche, laissent planer le doute.
Et pourtant, c’est bien un programme de rupture qu’il aurait fallu porter en France. Une vision qui s’oppose à la politique antisociale de Macron qui repousse chaque jour un peu plus les limites de la mégalomanie.
Chaque jour le macronisme s’effrite au profit du emmanuelisme, les masques tombent, et le parti aux allures centristes n'est qu’un maquillage de la “disparition” du clivage gauche-droite.
Edouard Philippe et Darmanin ont déjà exprimé leur souhait de voir naître une coalition avec la droite, tandis que certains du MoDem prêtent attention aux offres de la gauche.
Mais la vérité, c’est que le pays est aujourd’hui ingouvernable.
La vérité c’est que pendant 3 ans notre vie politique va être gangrenée par un cynisme et un populisme à l’état pur, dans laquelle s’évertuera à exister un pseudo-front républicain.
Il est temps pour notre République de retrouver le parlementarisme et le temps du débat : faire la sourde oreille à une coalition est aussi irresponsable qu’inquiétant pour l’avenir de notre pays, dont la conduite ne dépendra que du bon vouloir de chacun.
Le programme du NFP ne sera pas appliqué, tout comme celui de Renaissance ou des LR.
Il faut se faire à l’évidence, l’heure est au pragmatisme, à l’écoute et à la discussion.
Une coalition ne doit pas se faire autour de la majorité présidentielle sans condition : aucun groupe n’est en situation de force, et en mesure d’imposer son programme entièrement.
La démocratie vaut plus que des querelles partisanes.
Aujourd’hui, si la gauche est effectivement au pouvoir, elle aura comme ambition de prévenir l'arrivée du populisme nationaliste à l’Elysée en 2027.
Pour autant, on ne combat pas le populisme par le mensonge grossier.
La gauche des valeurs, si elle existe encore, a une immense responsabilité entre les mains : notre avenir.
Alors malgré toutes ses déclarations récentes, malgré toutes ses positions, j’ai foi en cette gauche du devoir, qui saura se montrer raisonnable sans aucun doute.
C’était d’ailleurs la première à appeler au barrage contre le RN, comme à son habitude.
D’ici quelques jours, c’est la gauche de la raison qui doit s’émanciper de la tutelle de LFI.
Une gauche qui doit être prête à faire des compromis, et surtout, qui doit se hisser à la hauteur des responsabilités qui lui ont été confiées.
Antoine de St Exupéry disait “Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants”.
Tâchons de nous montrer dignes de cet emprunt pour leur assurer un futur aussi rayonnant que possible.
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