Pour une analyse de la nomination de Michel Barnier à Matignon

 

gala.fr

 

Afin de donner une analyse précise de la situation politique actuelle, il est nécessaire de s’émanciper de quelconque affiliation partisane - bien que chacun de nous en ait une, de façon plus ou moins poussée, ou de façon plus ou moins claire.

 

À la suite de sa « défaite relative » de juillet dernier, Emmanuel Macron s’est permis un délai de choix bien trop important. Il semble être évident qu’aucun Premier ministre issu du « vainqueur relatif », et surtout circonstanciel, qu’est le NFP n’aurait pu être nommé. Cela est stratégiquement inconcevable. Le Président de la République ne pouvait accentuer sa défaite. Plus encore, nommer Lucie Castets aurait conduit à la reconnaissance d’une défaite totale face à une majorité d’opposition écrasant le parti présidentiel et ses alliés. Or, numériquement - et les chiffres le bavardent -, ce n’est pas le cas.

 

Il faut bien saisir un fait propre à la situation : face aux choix que détenait le Président, le choix de nommer Michel Barnier ne peut-être que plus ou moins cohérent, plus ou moins adapté. C’est par-là qu’il sera un « bon » ou un « mauvais » choix - pour autant, n’étant ni la Justice, ni Dieu, j’ai bien des soucis avec cette notion.

 

Il ne faut, avant toute analyse, pas omettre la dure besogne de trouver un acteur qui ne sera pas censuré à la fois par le NFP et le RN. Considérant que, qui que soit le personnage nommé, le NFP censurera quelconque Premier ministre n’étant pas de son bord, Emmanuel Macron a fait le choix de miser sur l’acceptation relative du RN d’un Premier ministre qui, sans surprise et par défaut, n’est pas de son parti. Il a donc décidé de placer le RN en arbitre de son choix – position d’arbitre qui me laisse un goût très amer. C’est pour le coup que Michel Barnier était le seul candidat à Matignon ayant des chances de ne pas être sous le feu d’une motion de censure soutenue par les 142 sièges du RN (allié aux dissidents LR conduits par Éric Ciotti) !

 

Sur un plan purement parlementaire, il faut observer quelles portes s’ouvrent à Emmanuel Macron par la nomination d’un Républicain.


La nomination de Michel Barnier acte en fait une coalition sur le papier entre les macronistes et Les Républicains. Désormais, ils devraient voter ensemble à l’Assemblée nationale. Et s’ils expriment, à l’Assemblée, un vote identique pour chaque texte soumis au vote, il convient alors de constater que, numériquement, cette coalition devient crédible pour gouverner.


D’autant que E. Macron s’intègre dans une alliance dont il détient la majorité des sièges, les macronistes étant davantage nombreux que Les Républicains dans l’hémicycle. De fait, par l’alliance LR-macronistes que parachève la nomination de Michel Barnier, le NFP devient la deuxième force de l’Assemblée nationale ; les rapports de force sont bouleversés ; Emmanuel Macron n’est plus deuxième, mais « co-premier ».


Ce dernier axe de réflexion est nécessaire pour objectivement analyser la nomination de M. Barnier. Et ce car il ne nomme pas, comme je l’ai beaucoup lu et entendu, un Premier ministre dont le parti a fait 7% aux dernières élections législatives, mais un Premier ministre qui portera sur son dos 213 sièges - au moins.


J’en viens alors à des arguments plus centrés sur le personnage politique qu’est Michel Barnier.


Michel Barnier est tout d’abord un acteur politique qui ne fermera aucune porte à quelconque bord politique. Il l’a dit lui-même : il y aura des ministres de gauche dans son gouvernement. Ces ministres seront, précisons-le à cette occasion, des Socialistes. Nous pouvons le supposer. Il est donc un acteur politique ayant, a priori, la capacité et l’influence nécessaires pour fomenter un gouvernement pluriel, qui n’est pas « seulement un gouvernement de droite » - précision qui est sans doute un pléonasme. Les rapports de force à l’Assemblée nationale sont tels que nous sommes en quelque sorte dans une chienlit totale sur le plan parlementaire.

 

Sans alliance plurielle, sans composition avec des partis qui habituellement sont des opposants, la France sera ingouvernable jusqu’aux présidentielles de 2027. Si sa capacité à fédérer se vérifie, il pourrait combler la béance que laissent les conflits trop importants entre partis.


Michel Barnier est, simplement pour cela, le meilleur choix que Macron pouvait faire, étant donné le désordre politique.


Toutefois, j’exposerai par les prochains termes écrits bien d’autres raisons me confortant dans l’idée que Michel Barnier est un excellent choix.


Comme l’a dit Jean-Pierre Raffarin sur le plateau de BFMTV il y a de cela quelques jours, notre nouveau Premier ministre semble marquer un retour à un exercice de la politique plus traditionnel et par-là plus solide, structuré, réfléchi. Il est en effet éventuellement nécessaire de concéder que le jeune profil de Gabriel Attal n’était pas adéquat à la complexe situation française.

 

Son expérience politique, mais aussi sa vision gaulliste, font qu’il pourrait être un Premier ministre au travail soulageant. Il citait d’ailleurs le dimanche 8 septembre au petit matin, dans l’hebdomadaire La Tribune du dimanche, qu’il a « le calme des vieilles troupes ». Cela ne peut être que bénéfique pour la France, qui a besoin d’accalmie, de réflexion, et in fine de solutions pragmatiques. C’en doit être fini avec une politique fondée simplement sur de la communication en permanence.


Je comprends de fait que, pour ne pas déroger à sa fierté, tantôt absurde tantôt abjecte, Marine Le Pen dise de Michel Barnier qu’il est un « pis-aller » : non, non ! Il est, je pense, une solution que E. Macron aurait dû saisir la semaine suivant les résultats des élections législatives. Il est indéniable que pour apaiser publiquement sa défaite relative de juillet dernier, Emmanuel Macron a laissé traîner ; il a perdu du temps, et est un peu plus isolé, y compris au sein-même du parti et du bord politique qu’il a lui-même fondés - le cas G. Attal en témoigne.

 

Bastien Cohen

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