To kill a mockingbird
Publié par Harper Lee, en 1960, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (To kill a mockingbird) s’inscrit dans les classiques de la littérature américaine. Lauréat du prix Pulitzer en 1961, puis adapté au cinéma en 1962, film par ailleurs oscarisé, il devient un best-seller dès sa parution avec plus de 60 millions d'exemplaires vendus.
Le récit se développe dans les années 30, pendant la Grande Dépression, dans la ville fictive de Maycomb en Alabama au cœur de l’Amérique sudiste ségrégationniste. L’histoire se déroule sur 3 ans et nous est racontée par Jean Louise Finch plus connu sous le nom de “Scout”, petite fille téméraire de 6 ans au début du récit. Cette dernière vit avec son frère Jem, son père Atticus Finch ainsi que leur gouvernante Calpurnia. Jem et Scout se lient d'amitié avec Dill, un garçon qui séjourne chez sa tante pendant l'été. Les trois enfants sont terrifiés et fascinés par leur voisin Arthur « Boo » Radley, qui vit reclus chez lui. Ils imaginent l'apparence de Boo, les raisons qui le poussent à rester chez lui et essaient tant bien que mal de le faire sortir de sa maison. En parallèle de ce petit jeu enfantin, se déroule le procès de Tom Robinson, homme noir accusé du viol de Mayella Ewell, une jeune fille blanche. Atticus, avocat brillant, défend Tom Robinson qui (et il le sait) est condamné bien avant son jugement.
De nombreux thèmes sont abordés au cours du roman mais ce qui caractérise l’écriture de cet ouvrage c’est avant tout la légèreté avec laquelle il est raconté, dans un style à L'Attrape-Cœur de Salinger. Le personnage de Scout nous fait certes comprendre une dure réalité, la forme de la narration reste agréable. Harper Lee fut d'ailleurs critiquée sur ce point, on lui reprocha de trop vouloir se rapprocher du style d’écriture enfantin en essayant de faire oublier ses longues années d’études au cœur d’institutions prestigieuses avec ce style de narration.
Ce qui fait de ce roman un incontournable, ce sont surtout les valeurs morales incarnées par le personnage iconique d’Atticus Finch, un avocat intègre, droit, honnête et probe, soit l’incarnation magnifiée de la justice dans ce qu’elle peut avoir de plus noble. Parce que Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est, entre autres, un roman de justice qui met en scène un procès dans un contexte historique particulièrement discriminatoire et meurtrier, une période de l’histoire américaine marquée par les injustices et les inégalités. Le roman raconte alors ce racisme institutionnalisé, à travers un procès emblématique perdu d’avance qui oppose un homme blanc et un homme noir questionnant par la même le concept de justice dans ce contexte.
« La seule chose qu’il ne faut pas céder à la loi de la majorité c’est la conscience de l’individu ; le courage c’est de savoir que tu pars battu mais d’agir quand même sans s'arrêter » - Atticus à Scout et Jem
Le roman porte en lui toute une symbolique intéressante appuyant le propos de Harper Lee, notamment autour de l’oiseau moqueur, capable d’imiter le chant des autres oiseaux, figure du faux-semblant permettant à l’autrice de dénoncer les préjugés et la suprématie des apparences. Deux oiseaux moqueurs sont symboliquement représentés dans le texte, Tom Robinson qui fait un coupable idéal pour la société ségrégationniste, car qu’il est noir, mais aussi Boo Radley, le mystérieux voisin qui terrorise par son absence les enfants.
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur porte en lui un propos profondément moral et le récit devient, peu à peu, un combat manichéen entre le bien et le mal, chacun incarné par un personnage emblématique.
Le mal, c’est Bob Ewell, un marginal vil et violent, qui a intenté un procès à Tom Robinson ; Atticus, lui, incarne le bien dans son costume d’avocat droit et juste et va l’affronter au tribunal, dans un combat inégal où l’éloquence et l’éducation supplantent l’ignorance et la fourberie, mais où le système est aussi profondément raciste, et donc corrompu.
Cet ouvrage se rapproche d’une autobiographie de l’auteur, sans en être une. Principalement dans le personnage de Scout notoirement fabriqué à l’image de son auteur, une enfant futée dont l’intelligence n’interfère jamais avec son innocence. De même que le procès décrit fait échos au procès de Scottsboro, parvenu en 1931, ou 9 garçons afro-américains âgés de 12 à 20 ans furent accusés d’avoir violé 2 femmes blanches dans un train de marchandise traversant l’Alabama. Ils furent tous condamné à la peine de mort sauf le plus jeune de 12 ans. On retrouve alors en Scout, Nelle Harper Lee décriant une époque dans laquelle elle a vécu.
Malgré une dénonciation de la condition noire durant cette période, il est intéressant de noter que ce roman reste décrié à la fois par une frange de la communauté blanche qui le trouve trop critique envers son comportement vis-à-vis de la communauté noire à l’époque, et par les Afro-Américains selon lesquels cette critique reste trop timide. Il reste tout de même intéressant de rappeler que le but de Harper Lee était de mettre mal à l’aise le lecteur américain durant sa lecture pour le mener à rejeter la ségrégation raciale, dont l’abolition n’interviendra que quatre ans plus tard grâce au Civil Right Acts.
« En grandissant, tu verras des Blancs tromper des Noirs tous les jours, alors n’oublie pas ce que je vais te dire : lorsqu’un Blanc se comporte ainsi avec un Noir, quels que soient son nom, ses origines et sa fortune, ce Blanc est une ordure » - Atticus à Scout
Mais alors qu’entend Harper Lee en nous demandant de ne pas tirer sur les oiseaux moqueurs ? L’oiseau moqueur est un passereau qui chante constamment dans le sud des États unis. Considérer comme péché par Calpurnia, tirer sur l'oiseau moqueur, c’est tuer l’innocence. C’est condamné d’avance ce qu’on ne se connait pas et qui pourtant ajoute de la beauté à la vie. Les oiseaux moqueurs ne font rien d'autre que de la musique pour notre plaisir.
Ce livre entre dans les classiques de la littérature moderne. Intemporel que ce soit au sujet des thèmes abordés ou de l’écriture. Pour les moins grands lecteurs je vous conseille fortement l’adaptation en roman graphique de Fred Fordham particulièrement fidèle au roman d’origine.
Luna Bouhadjar
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