TVA, smic, gaz... Le populisme du pouvoir d'achat

 

 

En 2022 déjà, la NUPES entendait augmenter drastiquement le smic afin d’accroître le salaire réel et le pouvoir d’achat des français. Aujourd’hui, cette proposition économique aux allures fantasques et idylliques suscite sans aucun doute l’intérêt de certains, mais surtout des inquiétudes pour d’autres. 

 

La même année, le Rassemblement National souhaitait baisser la TVA pour rendre du pouvoir d’achat aux français qui peinent à boucler les fins de mois. Pendant toute la campagne, Jordan Bardella a ainsi matraqué sur tous les plateaux télé que cette mesure serait appliquée dès son arrivée à Matignon. 

 

Car si le pouvoir d’achat a baissé, c’est bien la conjoncture économique et géopolitique qui a conduit des millions de français à être séduits par des propositions aussi alléchantes. 

 

S’ajoute à cette situation un président de la République à la tête d’un Etat providence en cas d’inquiétude concernant les entreprises, mais néo-libéral s’agissant des conditions des plus précaires. 

 

Les français en veulent à Macron pour la baisse de leur pouvoir d’achat, mais ils en voudraient également aux autres partis de leur mentir aussi ouvertement. 

 

Ainsi, revenons ensemble sur les différents risques que représentent de telles mesures économiques. 

 

Nouveau Front Populaire : Un programme soutenu par des économistes 

 

Interrogé sur la faisabilité de son programme lors du débat sur TF1, Manuel Bompard avançait comme arguments le soutien de nombreux économistes, dont Esther Duflo prix nobel d’économie. Soit. 

 

Premièrement, Esther Duflo n’a pas validé le programme comme elle l’a déclaré au micro de France Culture le 24 juin 2024 “J’en profite pour dire que contrairement à ce que j’ai lu dans le journal, je n’ai pas contribué au programme du Front populaire, et je ne l’ai pas non plus “validé” en bloc, parce que ce n’est pas vraiment ma place de le faire”. 

De plus, si cet argument de Manuel Bompard ne tient pas la route, c’est aussi parce que Jean Tirole, prix Nobel de l’économie en 2014, soutient que “En cas de victoire du RN ou du NFP, il grèvera -concernant le remboursement de la dette- beaucoup plus le pouvoir d’achat des Français”. Deux nobel qui s’opposent, qui croire ? 

 

Deuxièmement, l’économie possède aujourd’hui un pan éminemment politique, qui biaise beaucoup d’économistes dans leur approche analytique. Ainsi, on peut également signaler que de nombreux membres de cette corporation dénoncent un programme dangereux pour le pouvoir d’achat des français. 

 

Ceci étant dit, le NFP est le seul bloc parmi les 3 en tête à avoir chiffré son programme économique. Plus facile d’attaquer quelqu’un lorsqu’il y a de la matière pour le faire. 

 

Augmentation du Smic : la fausse bonne idée 

 

L’objet ici n’est pas tant d'élaguer sur le débat qui subsiste entre les partisans de la relance par la consommation, et les néolibéraux abhorrant tout dirigisme étatique. Le véritable enjeu ici, est de se saisir de cette mesure, et de la repositionner dans le climat socio-économique actuel. 

 

Peut-on se permettre, dès aujourd’hui, d’engager une hausse du smic de près de 200 euros net lorsque notre dette s’élève à 3 100 milliards, et qu'une PDE vient d’être engagée contre la France ? Peut-on se permettre une mesure ambitieuse lorsque le FMI scrute chaque faits et gestes de notre marché intérieur ? 

 

Jean Tirole déclare ainsi que “les forts déficits budgétaires créés par l’application de ces programmes gonfleront rapidement la dette, augmentant mécaniquement son remboursement”. Il ajoute que “les prêteurs exigeront des taux d’intérêt plus élevés”, alors que la France emprunte déjà à un taux plus élevé que l’Allemagne (3,2% vs 2,4% sur 10 ans). 

 

En plus, cette hausse du smic devrait nécessairement passer par décret car elle ne serait pas votée à l’Assemblée Nationale, mais un décret aussi ambitieux (sans compter le blocage des prix) requérait le vote d’une loi de finance rectificative pour financer les mesures, alors que l’assemblée est hostile à la coalition de gauche. 

 

Car si les effets de la hausse du smic font déjà débat depuis longtemps, une hausse du smic dans des conditions aussi peu propices aurait des conséquences bien plus importantes. 

 

L’économiste souligne ainsi que cela réduirait l’embauche des moins qualifiés, du fait de l’augmentation du coût du travail au niveau du salaire minimum et de l’allègement du coût des travailleurs rémunérés au-delà (ils deviennent en effet éligible aux cotisations). Le tout, en favorisant la hausse du chômage alors que le taux d’emploi était au plus haut depuis plusieurs années. Une statistique à nuancer car Marine Tondelier, présidente d’EELV, dénonce le gonflement de ces chiffres avec la réforme du chômage (et donc du statut de chômeur). 

 

Déjà en 1995 Alain Juppé avait mis en place des exonérations de cotisations patronales sur le smic et les bas salaires. Pour autant, une étude publiée en 2000 et rédigée par Francis Kramarz témoigne qu'une augmentation du salaire minimum de 1 % en France a abouti, un an plus tard, à la destruction d'environ 15 000 emplois. 

 

On soulignera que l'éditeur de ce travail publié au Journal of Public Economics est Thomas Piketty, économiste qui soutient aujourd'hui le programme économique du NFP. 

 

Face à cette potentielle hausse du chômage, les candidats du NFP assurent que la création d’emploi permettra l’embauche et donc de compenser cette hausse du chômage. D’autres sont pourtant plus pragmatiques : « Par prudence, nous partons du principe qu'il n'y aura pas de création d'emplois, mais pas de destruction non plus », défend Hadrien Clouet (candidat LFI), convaincu que le surcroît de consommation surpassera la hausse du coût du travail dans les TPE et PME.

 

Pour autant, lors du mandat de François Mitterrand, différents travaux montrent que la combinaison de la hausse du smic et du passage à la semaine de 39 heures a eu des effets négatifs sur l'emploi », souligne l'économiste Francis Kramarz. 

 

Le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, a évoqué un fonds de compensation. « Il s'agit de mesures de redistribution entre entreprises et producteurs : les gros producteurs cotiseront pour les petits », toujours selon Hadrien Clouet, cette « mutualisation » de la hausse du SMIC ne coûte donc rien aux caisses de l'Etat. 

 

Mais dans l'ère du dumping fiscal, peut-on réellement compter sur des grosses entreprises pour financer cette transition chez les petites, et pour continuer à embaucher massivement en France ? D’autant plus que la France est le premier pays européen en termes d’investissements sur son sol, une dynamique favorable à la croissance économique. 

 

De plus, avec 8 augmentation du smic depuis 2021, on compte aujourd’hui plus de 17% de “smicards en France”. Un chiffre qui pourrait atteindre 25% avec cette revalorisation selon l’équipe de campagne de Gabriel Attal (pas la source la plus objective). A souligner que le NFP compte sur une diffusion par le haut de cette hausse des salaires pour éviter un tassement au niveau du smic, et ce à travers une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu et une révision du barème des allègements de cotisation. 

 

Pourtant, avant de vouloir augmenter le smic, le véritable enjeu pour augmenter le pouvoir d’achat est de “désmicardiser” le pays. Souvent, ce sont des mesures long termistes qui répondent à cet enjeu, en passant notamment par la formation et l’éducation. 

 

Baisse de la TVA : l’imposture de Bardella 

 

Celui qui se dit soucieux du pouvoir d’achat des français, n’a cessé de vanter les mérites de cette mesure ingénieuse pour redonner du pouvoir d’achat à ses électeurs des classes populaires. 

 

Mais avant de vanter les mérites de cette mesure, Bardella aurait d’abord dû leur expliquer à quel point elle est une farce grossière. 

 

Primo, celui qui se fait défenseur des classes populaires oublie de préciser que cette mesure est connue pour favoriser ceux qui ont le plus de pouvoir d’achat : plus vous pouvez consommer, plus vous le faites. Alors, même si elle pourrait permettre à beaucoup de français de desserrer la ceinture, elle permettrait surtout plus aisés d’enfiler un nouveau pantalon. On est loin du robin des bois des temps modernes. 

 

En plus de ça, cette mesure est une imposture car elle n’apporte aucune garantie réelle sur le gain de pouvoir d’achat des français. Quelle preuve apporte le Rassemblement National que ce passage de 20 à 5,5% sur la TVA permettra une baisse de 14,5 points du prix total d’une facture ? Car tous les exemples historiques ont bien montré que les entreprises concernées ne se gênaient pas pour augmenter leur prix tout en veillant à ce que le consommateur ait une réelle impression de baisse du coût. 


Car contrairement aux allures socialistes que se donne le RN, tout montre que Bardella est l’ami des plus aisés et l’ennemi du pouvoir d’achat des plus précaires. 

 

Ainsi, le conseil des prélèvements obligatoires publiait une étude l’année dernière dans laquelle il révèle que la baisse de la TVA est inéquitable (comme précisé plus haut), mais aussi inefficace car les industriels en profitent pour augmenter leurs marges. 

 

En 2009, sous Sarkozy, le taux de TVA dans la restauration est passé de 19,6% à 10% et les analyses de l’INSEE ont montré que les prix ont baissé en moyenne de "2,1% à court terme et de 2,4% à long terme, du fait de la baisse de la TVA alors que la baisse résultant d’une répercussion intégrale de la baisse de TVA aurait été de 9,8% dans notre base de données", selon les auteurs. En clair, les entreprises en ont profité pour s’en mettre plein les poches.

De plus, le coût est colossal car cela représente 37% des recettes fiscales et permet notamment de financer des aides sociales pour les plus défavorisés. 

 

En clair, Bardella sanctionne doublement le pouvoir d’achat des plus défavorisés, alors même qu’il accentuait sa campagne sur cette thématique. 

 

Conclusion 

 

Au jeu des 7 familles du populisme économique, la grande famille de gauche et celle du Rassemblement National font tous deux figurent de proue à l’issue de ces élections. 

 

Pourtant, le programme du RN dont le financement repose sur la seule croissance économique semble tout de même plus frivole et irréalisable, notamment avec une baisse de la main-d'œuvre issue de l’immigration. 

 

Du côté du NFP, bien que certains points semblent irréalisables et contre-productifs, toutes les mesures proposées sont construites en faveur d’une justice sociale et écologique. La gratuité de l’école, l’augmentation du pouvoir d’achat sont des impératifs qui ont été trop délaissés par l’ère Macron avec le simple “coup de pouce” (indexation du smic sur l’inflation). 

 

Car il ne fait aucun doute que l’augmentation directe du smic permettrait une forte hausse du pouvoir d’achat des français, qui retrouveraient une bouffée d’oxygène dans cet océan inflationniste. A moyen terme néanmoins, les conséquences toucheraient les plus démunis alors que d’autres alternatives, plus longues certes, pourraient empêcher cette conséquence indésirable. 

 

Quant au financement de leur programme, la flat tax macroniste pour remplacer l’ISF a indubitablement contribué à renforcer les inégalités. Pour autant, c’est cette taxe qui a stimulé l'investissement et la croissance. Mais à quel prix ? 

 

Car si le NFP souhaite rétablir cet ISF, c’est aussi pour revenir sur la forte inégalité créée qui n’a pas été compensée par Macron. 

 

Au final, Ensemble se distingue par son pragmatisme économique, puisque Attal soulignait bien qu’ils ne promettaient rien qu’ils ne pourraient tenir. Et c’est tout à leur honneur. 

 

Maintenant, avec plus de 1000 milliards de dette en 7 ans, peut-on dire que la coalition centriste est plus apte à tirer la France vers le haut ? Rien n’est moins sûr, car les autres pays ont également dû faire face aux mêmes crises que nous, avec des conséquences moindres. 

 

Les urnes ont décidé de mettre en tête les pourfendeurs des ultra-riches, pourtant, sans majorité absolue, l’avenir économique du pays semble flou, pour ne pas dire nuageux. 

 

Eliot Senegas