Comment le rap est-il devenu le genre le plus populaire de nos jours ?

 

 

Que ce soit à New-York ou à Paris, pendant une cérémonie des Grammy ou simplement dans la rue, le Hip-Hop a fêté ses 50 ans en 2023. En France, cet anniversaire a été célébré par de nombreux événements, démontrant encore une fois la force et le dynamisme de cette culture. Et si le rap était déjà reconnu aux Etats-Unis dans les années 1990-2000, il n’a pas toujours attiré le grand public français. Alors comment le rap, qui semblait destiné aux classes populaires, est-il devenu le genre le plus populaire ?

 

Le rappeur Kendrick Lamar acclamé par un large public aux Ardentes 2023. Photo par Lou-Marco Crepelle

 

Les années 1990 ont vu grandir de gros noms du rap américain, comme Tupac, Jay-Z, Eminem et bien d’autres. Si le rap a bénéficié d’une grande exposition aux Etats-Unis, avec des magazines comme The Source¹ lancé en 1988, ou avec des récompenses aux Grammy à partir de 1996, il a plus de mal à se faire une place dans le paysage médiatique français.

 

Malgré plusieurs tentatives pour apporter cette culture sur le devant de la scène, comme l’émission H.I.P H.O.P sur TF1 en 1984, le rap n’est qu’à ses débuts et reste de niche. Et malgré son exposition grandissante au fil des années, il est encore considéré comme un genre incompris. Néanmoins, il a bénéficié d’une ascension fulgurante depuis les années 2010,, devenant le genre le plus écouté en France. Cette hausse de popularité est explicable par de nombreux paramètres.

 

Le Hip-Hop, un produit marketing de forte influence

 

Tout d’abord, le rap doit son expansion à la venue d’une nouvelle génération qui grandit avec Internet et la musique en streaming. Elle s’empare de la culture Hip-Hop et la fait vivre, et le rap devient très vite la musique la plus présente sur les plateformes de streaming. Cette nouvelle manière de consommer, plus rapide et plus accessible que les médiums traditionnels, permet une véritable renaissance du rap après la crise du disque du début du millénaire.

Les industries vont aussi profiter de l’expansion du rap pour faire des ventes, accentuant la popularité du genre musical. Les jeunes sont ceux qui consomment le plus et ils aiment le rap, permettant au rap de vite devenir  un gage d’achat. Pour attirer des consommateurs, les marques vont s’allier à des artistes Hip-Hop, à l’image d’Adidas avec Kanye West, ou encore de Nike avec Travis Scott et Hamza. En plus de permettre aux marques d’accroître leurs ventes, le rap peut ainsi jouir d’un regain d’intérêt et d’une grande exposition.

 

Un essor qui s’explique par la multiplication des propositions artistiques

 

Une autre raison de l’essor du rap est qu’il est devenu bien plus accessible, moins politiquement chargé : plus mainstream (cf. article mainstream). Les propositions musicales se diversifient, le rap n’est plus représenté par un courant unique mais par de multiples branches. Il s’adresse à un public bien plus large et divers, chacun y trouve forcément un élément qu’il aime. Dans les années 2010, cela se caractérise par l’émergence d’artistes comme Orelsan ou Nekfeu, qui produisent une proposition artistique qui réussit à conquérir le grand public. En témoignent leurs nombreuses nominations et succès aux Victoires de la musique.

 

Cette ouverture à une audience plus large s’accompagne d’une transition dans la vision des rappeurs et rappeuses. Ils ne sont plus considérés comme virulents, voire comme des criminels, comme ça pouvait être le cas dans les années 1990-2000. Cette ouverture permet notamment à plus de jeunes de s’identifier aux textes de rap et de réellement s’approprier le genre, à l’image du rock à ses débuts.

 

Aussi, grâce aux réseaux sociaux entre autres, on connaît plus l’humain qui se trouve derrière l’artiste et surtout, les artistes ont plus la possibilité de s’exprimer en dehors de leur musique. On connaît désormais les intentions et les raisons de l’écriture de certaines paroles, ce qui permet de mieux comprendre le message que l’artiste veut faire passer. Enfin, la proposition musicale étant plus large, les médias traditionnels sont moins réticents à parler du rap, qui passe de sujet tabou à véritable poule aux œufs d’or.

 

Le rôle des festivals dans l’expansion du rap

 

Cette mentalité s’applique aussi aux festivals, qui ont joué un rôle non négligeable dans l’essor du rap. Malheureusement ou (heureusement selon les points de vue), ces évènements sont organisés, pour la plupart, dans une optique financière et tentent de séduire une audience toujours plus large, souvent au détriment de la direction artistique initiale.

 

Les festivals veulent attirer du monde, en particulier les jeunes car ce sont ceux qui consomment le plus ; les jeunes aiment le rap : ils vont donc programment du rap. Et si l’on oublie le côté pécunier, cela contribue à étendre la culture Hip-Hop puisque de tels rassemblements d’artistes sont souvent sources de découverte. Seulement, à programmer toujours les mêmes artistes rap qui rapportent, les festivals n’ont plus pour vocation de célébrer une culture particulière et perdent en cohérence artistique.

 

De nos jours, il existe de nombreux acteurs spécialisés dans la promotion de la culture Hip-Hop, comme le magazine en ligne l’Abcdr du son, la radio Skyrock ou les émissions Grünt. L’année 2023 a aussi été marquée par la première édition des Flammes, une cérémonie de récompenses dédiée au rap et à ses sous-genres. Elle permet de juger les propositions rap de l’année écoulée par des experts du genre, ou a minima par des auditeurs aguerris, ce qui n’était pas ni le cas, ni la prétention, des Victoires de la musique.

 

CREPELLE Lou-Marco

 

¹ : à noter que The Source lance aussi une cérémonie de remise de prix pour le Hip-Hop en 1994, les The Source Hip-Hop Music Awards Show, dont la dernière édition se tiendra en 2004.

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