La sélection nationale soviétique, quand le ballon rond était aussi rouge que le Kremlin

 

Tunisie-URSS, 1977

 

Loin du professionnalisme et de la technicité actuelles, le football du XXème siècle peignait avant tout une abnégation collective durant de longs affrontements aux pelouses cabossées. En somme, un combat.

Ce dessin, quoique peu accueillant, ne fit pas trembler un pays familier de ces  conditions de vie difficiles, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Très peu médiatisée et méconnue de nos jours, l’histoire de la sélection soviétique n’en reste pas moins riche de trophées internationaux : l’URSS, ou l’ogre oublié.

 

Créée en 1910, l’armée rouge (son véritable surnom) ne commence réellement à exister qu’en 1924 à la fin de la guerre civile russe, opposant les bolchéviques aux tsaristes. Cependant, de 1924 à la fin des années 40, la sélection paye la politique isolationniste soviétique et ne participe à aucun évènement majeur. Les joueurs n'obtenant pas de visa pour l’étranger, se contentent d’affrontements contre des équipes ouvrières soviétiques. Le gouvernement se satisfait de pouvoir récompenser ses travailleurs en les faisant rencontrer les meilleurs joueurs du pays.

 

Cependant, tout s’inverse à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sentant l’affrontement idéologique américano-soviétique gagner les esprits, Staline décide d’assouplir sa politique, s’ouvrant alors au monde et affiliant l’équipe nationale d’URSS à la FIFA en 1946.

 

La réussite y sera totale, de 1946 à 1990, date de la dernière compétition officielle de la sélection d’URSS, l’équipe s’affirme comme l’un des cadors de l’époque, la parfaite combinaison d’individualité vers un but commun, une métaphore footballistique du communisme.

 

L’URSS remporte 5 médailles olympiques de football, 3 médailles de bronze consécutives en 1972, 1976 et 1980 mais surtout deux titres, le premier en 1956 à Melbourne et le deuxième en 1988 lors de leurs derniers jeux sous bannière soviétique à Séoul. Triomphant du Brésil de Romario et de l’Argentine du mythique Maradona, l’URSS affiche sa réussite sportive au monde entier, seulement quatre petites années après le boycott de l’édition américaine à Los-Angeles.

 

Néanmoins, la mémoire du football ne se soucie que très peu des titres olympiques et privilégie les compétitions internationales organisées par sa maison mère la FIFA. 



En 1960, l’UEFA, l’union des associations européennes, fraichement créée en 1954 sous l’égide de la FIFA met en place la première coupe d’Europe des nations, désormais communément appelé l’Euro. Se déroulant en France, ce premier Euro grave sur la coupe le nom de l’URSS comme vainqueur initial après la victoire des soviétiques 2-1 face à la Yougoslavie au Parc des Princes.

 

Porté par Lev Yachine, considéré comme l’un des plus grands gardiens de l’histoire et seul Ballon d’Or à ne pas avoir évolué en tant que joueur de champ, l’URSS se hisse deux nouvelles fois en finale de l’Euro en 1964 et 1972, défaite par l’Espagne et l’Allemagne de l’Ouest dans des rencontres fortement idéologiques.

 

Enfin, plus que ces titres ou trophées assez abstraits pour situer l’importance de la sélection soviétique dans l’histoire contemporaine du football, l’équipe nationale d’URSS fut la première à innover tactiquement, optant pour une ligne de 4 défenseurs délaissant le 3-2-2-2 jugé trop brouillon pour le maintenant très célèbre 4-4-2. La rigueur soviétique dénotait fortement du football de cette époque, puisque lorsque d’un côté du rideau de fer, l’Europe de l’Ouest s'émerveille pour un Johan Cruyff fumant dans les vestiaire à la mi-temps, les soviétiques furent les premiers à introduire les notions de science du sport afin d’améliorer les performances des joueurs. 

 

Véritables pionniers du professionnalisme avec un suivi nutritionnel et une planification d'entraînements ciblés, les soviétiques démontrent une fois sur le terrain une endurance et une rigueur tactique dominante. Comblant l’écart technique entre d’autres nations plus fantasques, la guerre froide se poursuit  sur le rectangle vert. Opposant le Football total de l’Ouest presque outrancier de facilité au pragmatisme et à la discipline soviétique le football de la seconde moitié du XXème siècle fut un des multiples théâtres de l’affrontement idéologique Est/Ouest.

 

L’implosion de l’URSS en fin d’année 1991 provoque la disparition et le morcellement de la sélection nationale. Désormais, 15 équipes distinctes participant aux rencontres internationales représentent leur pays en lieu et place de l’URSS, parmi elles, l’Ukraine où la situation tend vers un retour à l’époque soviétique. 

 

Forte de titres internationaux majeurs, d’innovations tactiques et scientifiques, la sélection soviétique bien que oubliée de nos jours représente une alternative ferme au football anarchique de son époque et restera pour certains comme la première équipe de football moderne : moins fantaisiste mais triomphante.


Paul Bucheton

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